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Xbox Game Studios, jeux, harcèlement : notre interview exclusive avec Naila Hadjas de Compulsion Games

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Les prises de paroles de Compulsion Games se font rares. Depuis la sortie de We Happy Few, le studio travaille en toute discrétion sur sa prochaine production et préfère rester loin des lumières pour mieux se concentrer sur l’essentiel. Car si les équipes disposent désormais de moyens inédits pour développer un nouveau jeu, elles sont également attendues au tournant. Elles, dont le talent artistique ne fait plus aucun doute mais qui n’ont pas encore réussi à fédérer autour de leurs précédentes productions.

Désormais sous l’égide des Xbox Game Studios, le studio travaille d’arrache-pied sur sa nouvelle aventure. Un jeu solo narratif, en vue à la troisième personne qu’il nous tarde de découvrir. Mais en attendant une présentation en bonne et due forme, nous avons eu la chance de nous entretenir avec Naila Hadjas, responsable des relations presses de Compulsion Games. Un long échange pendant lequel nous sommes revenus sur la croissance du studio, sa place au sein des Xbox Game Studios ainsi que leur prochain jeu.

Le studio et sa croissance

XboxSquad : Bonjour Naila, merci de nous accorder de ton temps. Tout d’abord, avec ce contexte sanitaire particulier, peux-tu nous dire comment vont les équipes et comment se passe l’intégration dans vos nouveaux locaux ?

Naila Hadjas : Ça va bien ! Le dernier DLC que nous avons sorti c’était en décembre 2019. Trois mois après il y a eu la pandémie et nous avons commencé à travailler depuis la maison et en même temps sur le nouveau jeu. Ça se passe bien mais ça reste «aigre-doux» comme on dit ici.

On a les nouveaux locaux, on les visite et quelques personnes travaillent là-bas désormais. Normalement, en septembre, nous devrions revenir progressivement dans les nouveaux locaux qui sont magnifiques.

Nous sommes 80 personnes maintenant. Nous avons a peu près doublé d’effectif pendant la pandémie et on a forcément hâte de tous se rencontrer car on ne se connaît finalement que via ZOOM.

XS : D’ailleurs, comment avez-vous géré le confinement ? Avez-vous connu du retard par rapport aux plans initiaux ?

N.H : Oui, absolument. Déjà parce qu’en travaillant de la maison toutes les réunions se font via google meet ou Zoom et on perd beaucoup le côté humain. Surtout qu’on fait des jeux vidéo et même s’il y a beaucoup de programmation ça reste très organique et on a besoin de discuter des idées, du monde qu’on est en train de créer.

Même des choses aussi simples que se lever de son bureau et aller prendre un café fait que tu rencontres des membres de ton équipe et tu discutes d’une idée. Et tout ça on l’a perdu. Je pense que c’est le cas pour un peu tous les studios.


« Notre objectif a toujours été de faire des jeux différents des autres, avec des histoires humaines, des mondes uniques. »


XS : Le studio a fortement grandi, quel est l’objectif en termes de croissance, d’effectif ?

N.H : Idéalement, au début, on voulait 90, 100 personnes et je ne pense pas que nous irons au-delà de ça. Simplement parce que nous souhaitons garder ça relativement petit et ne pas devenir une grosse corporation avec des centaines de personnes. On veut que le studio reste intime, que les jeux aient une touche «fait-maison». C’était l’idée au début et nous allons continuer comme ça.

XS : Lors du rachat par Microsoft, Guillaume Provost disait que l’ambition de Compulsion Games était de devenir un studio de premier plan. Qu’est-ce que ça veut dire ?

N.H : Ça veut définitivement dire marquer les joueurs et faire des jeux de meilleure qualité. Et le soutien de Microsoft nous y aide énormément.

Notre objectif a toujours été de faire des jeux différents des autres, avec des histoires humaines, des mondes uniques. Nous souhaitons vraiment nous concentrer sur la qualité plutôt que la quantité.

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XS : Entre We Happy Few et aujourd’hui, que s’est-il passé pour vous ?

N.H : On a sorti We Happy Few en août (2018, ndlr), on était forcément très occupé. Guillaume (Provost, fondateur du studio) gérait le rachat parce qu’être assimilé par une telle compagnie c’est beaucoup de changements. L’équipe travaillait ensuite sur les DLC pendant un an. Et on était tous vraiment super occupés.

Les gens n’aiment pas trop les DLC parfois. Mais pour nous c’était quelque chose d’important parce que l’équipe pouvait travailler en toute liberté. Nous avions trois équipes différentes et ça leur permet d’avoir la liberté de travailler sur une partie qui ne fait pas partie du jeu principal. Elles avaient une liberté créative plus importante.

Ça a prolongé la vie de We Happy Few mais ça a aussi apporté plus de corps et de joie, les DLC sont plus légers.

La prochaine production de Compulsion Games

XS : Contrats et We Happy Few ont reçu des accueils mitigés lors de leur sortie. Cependant, les critiques soulignent toutes les qualités artistiques des titres. C’est quoi l’identité Compulsion Games et comment la cultivez-vous ?

N.H : Tout commence avec la direction artistique. C’est là où nous sommes bons et nous n’avons pas d’inquiétudes sur ce sujet. Mais les critiques faites sur nos jeux, et notamment les bugs, sont liés à nos ambitions et parfois ça nous dessert un peu.

Nous sommes un studio assez jeune. Même si nous existons depuis 12 ans, nous avons sorti seulement 2 jeux, nous ne sommes pas vieux. Plus on fait des jeux, plus on va apprendre de nos erreurs. Deux jeux ce n’est pas énorme mais on peut comprendre nos lacunes. L’artistique on le maîtrise, côté gameplay, on travaille dessus de manière très approfondie. Nous essayons de travailler sur nos défauts.

L’ADN de Compulsion Games c’est la direction artistique et nos histoires. J’aime beaucoup nos histoires, elles sont hors du commun. Ce n’est jamais l’histoire d’un héros mais souvent des anti-héros. Ce sont des personnes humaines, de tous les jours, qui ont des défauts, loin d’être parfaites.

XS : Justement, comment créez-vous vos histoires ?  Le prochain récit est-il à nouveau impulsé par Guillaume Provost ?

N.H : Ce sont souvent des sujets qui touchent un peu tout le monde au sein de l’équipe et vous verrez rapidement que les sujets touchent tout le monde. Ça ne vient pas forcément de Guillaume mais de plusieurs personnes. On a hâte d’en parler en tout cas

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XS : Votre prochain projet sera un jeu solo narratif en vue à la troisième personne. Quel est l’objectif avec ce jeu là dans votre évolution ?

N.H : Je pense qu’on se laisse un peu de temps pour apprendre. C’est notre premier jeu avec Microsoft et on apprend beaucoup. Nous avons doublé les effectifs et on s’y adapte. L’objectif est d’étendre notre univers loufoque, de continuer à poser notre empreinte dans les jeux vidéo en tant que studio qui aime faire des jeux uniques, dans des settings peu utilisés. Pour l’heure, c’est notre objectif. Poursuivre notre «legacy», notre héritage, tout en restant fidèles à nous-mêmes.

XS : Combien de temps y a-t-il eu avant le démarrage du nouveau projet.

N.H : Quelques mois après We Happy Few. Il y a eu beaucoup de brainstorming entre quelques personnes, ça a commencé de manière très légère. Ça évoluait petit à petit et de plus en plus de personnes se sont ajoutées à l’équipe et maintenant tout le monde est dessus.

XS : Début de production début 2019 donc ?

N.H : Oui.

XS : Est-ce que tu peux être plus précise ? Où en êtes-vous dans le développement de ce jeu ? Pensez-vous communiquer bientôt ?

N.H : Je ne peux pas trop répondre parce qu’on ne sait jamais vraiment ce qu’il va se passer. Nous sommes en plein dans le développement. Nous sommes en plein «dans le jus», la main à la patte, sur les étapes «dures» du projet.


« Le prochain jeu, c’est une histoire, on sait où on va »


 

XS : On sait déjà sur quel moteur tournera le prochain jeu ?

N.H : Est-ce que je peux répondre ?… Je ne vais rien dire, on va garder ça pour nous. (rires)

XS : Bon, on sait qu’en dehors des studios qui utilisent leur moteur maison, les autres Xbox Game Studios passent sur Unreal 5.

N.H : Et We Happy Few et Contrats étaient faits sur le 4.

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XS : En parlant de We Happy Few, le jeu était accessible en Game Preview pour affiner sa proposition et tester des mécaniques. Des éléments ont d’ailleurs été retirés à cette époque. Ce sera également le cas de votre prochain titre ?

N.H : Non, pas du tout. Le Game Preview avec We Happy few c’était vraiment pour tester le jeu avec la communauté parce que c’était un rogue-like, un survival. Et comme c’était notre premier, on souhaitait voir si les choses étaient bien équilibrées. Donc on avait besoin des feedback de la communauté.

Avec notre nouveau jeu, un jeu narratif, troisième personne, une histoire, je ne pense pas qu’on ait besoin de retours. Ce n’est pas comme un rogue-like où tu rejoues plusieurs fois et tu as besoin de data pour t’assurer que l’expérience est fun.

We Happy few a beaucoup évolué, au début c’était un rogue-like et après on a ajouté une histoire parce que les gens ont adoré le monde, les personnages, donc on a dit «ok, on va faire un vrai jeu avec une fin et une histoire». Le prochain jeu, c’est une histoire, on sait où on va.

XS : C’est quand même frustrant de ne pas en savoir plus.

N.H : Je sais, mais ça va valoir la peine, je vous le promets.

XS : Peut-on en entendre parler possiblement en fin d’année ?

N.H : Je n’en ai aucune idée (rires).

La relation avec Microsoft et les Xbox Game Studios

XS : Ça change quoi pour vous d’être un studio Xbox ?

N.H : Ça change que nous avons les moyens d’engager des gens, nous pouvons nous permettre d’emménager dans des studios plus confortables. Ça nous donne également beaucoup de ressources, par exemple de recherches.

Nous allons écrire, faire des recherches et il y a (chez Microsoft) beaucoup de départements qui vont nous aider à approfondir nos études, nos recherches sur des personnes, des éléments divers.

XS : Vous avez un accompagnement particulier de Xbox, donc ?

N.H : Oui, ils ont des départements qui vont nous dire si la direction que nous prenons est bonne ou nous mettre en relation avec des interlocuteurs qui pourraient peaufiner le projet et s’assurer que ce que nous faisons est cohérent.

C’est aussi parce qu’il y a d’autres studios Microsoft avec qui nous parlons souvent. On peut s’échanger des idées, demander conseil. Il y a tout un système de support chez Microsoft qui nous aide à améliorer notre jeu. C’est quelque chose que nous n’aurions pas eu en tant qu’indépendant.

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XS : Comment ça se passe justement avec les autres Xbox Game Studios ? Quelles sont vos interactions ?

N.H : On se prête des choses, on demande conseil. Les équipes de chaque département sont assez proches. Les gens de l’audio chez nous parlent beaucoup avec les gens de l’audio chez Coalition, chez Rare. Et pareil pour tous les autres départements en fait.

Je dirais qu’on a tous nos amis dans les autres studios avec qui on peut s’échanger des idées, demander, aider. On s’aide énormément.


« On a tous nos amis dans les autres studios avec qui on peut s’échanger des idées, demander, aider. On s’aide énormément. »


XS : Et inversement, vous venez en aide sur d’autres studios ?

N.H : S’ils en ont besoin, oui, absolument. Après je vais être honnête, nous sommes quand même le plus petit studio chez Microsoft. Ils nous aident beaucoup.

XS : Avec l’acquisition de Microsoft, votre prochain jeu sera intégré dans le Xbox Game Pass. Est-ce que cela a un impact sur votre développement ?

N.H : Non, aucun impact négatif. Positif, oui. On veut que le plus de personnes puissent accéder à nos jeux.

Sur We Happy Few par exemple, au début on allait le sortir que sur Steam. Et petit à petit, on l’a ajouté sur ID@Xbox puis Playstation à l’époque. Ce que l’on veut vraiment c’est que les gens puissent jouer à notre jeu. Et le fait que ce soit sur le Game Pass ça veut dire que plus de gens vont pouvoir y jouer.

Il n’y a pas vraiment de côté négatif.

La seule chose qui puisse impacter négativement c’est quand les studios font des versions sur plusieurs consoles. Par exemple Xbox One et Series. Il y a beaucoup de contraintes techniques. C’est une version du jeu qui doit rouler sur les deux même si elles n’ont pas la même puissance.

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Harcèlements dans l’industrie

XS : J’aimerais sortir des jeux pour parler davantage de l’industrie. Vous avez forcément eu écho des actualités chez Activision Blizzard, chez CD Projekt Red, chez Ubisoft… Concrètement, y a-t-il des guidelines, des interventions de Microsoft pour gérer l’inclusion, la diversité au sein du studio ?

N.H : Il ne nous monitore pas vraiment à la façon Big Brother, mais quand on est chez Microsoft, on a des formations, des cours, des vidéos qui nous expliquent même des choses assez basiques.

C’est quelque chose qui les concerne énormément et ils sont très bons. Ils prennent ce sujet très au sérieux : le respect des uns et des autres, la parité au travail, etc. Lorsqu’ils achètent un studio, je pense qu’ils font attention à la culture du studio, que tout va bien et qu’il n’y aura pas de problème après. Ils sont assez bons là-dedans.

Je vais te dire, je me sens très en sécurité pour travailler pour Microsoft. Je sais qu’ils auront toutes les ressources nécessaires si un jour j’ai un problème. Je sais qu’ils vont me soutenir.

XS : Quel est ton regard sur ces scandales de harcèlements, de sexismes, de violences ? Est-ce que, comme le dit Jeff Strain (fondateur d’Undead Labs), on a nécessairement des amis, des contacts qui ont vécu, qui ont subi le harcèlement, le crunch, le racisme, etc ?

N.H : Ah oui. C’est quelque chose que l’on sait depuis longtemps. Moi j’ai commencé dans les jeux vidéo il y a 15/16 ans et depuis le début j’ai subi ça, j’ai vu ça. Je pense qu’il n’y a pas une femme, une personne marginalisée qui n’a pas subi ça malheureusement.


« Je vais te dire, je me sens très en sécurité de travailler pour Microsoft. Je sais qu’ils auront toutes les ressources nécessaires si un jour j’ai un problème. Je sais qu’ils vont me soutenir. »


XS : À quoi c’est dû selon toi ?

N.H : J’ai plusieurs théories. Je pense que, lorsque les jeux vidéo ont commencé c’était un peu un Boys Club. Ce sont des hommes qui ont commencé les studios, qui sont très proches les uns des autres. Ce sont peut-être aussi des hommes qui n’aiment pas et ne comprennent pas le rôle de la femme à leurs côtés.

Alors que, qu’on soit une femme, non binaire, de couleur… la seule chose que les gens veulent quand ils rentrent dans le jeu vidéo c’est de faire des jeux vidéo, c’est vraiment une passion. Et je ne sais pas pourquoi ces hommes ne comprennent pas qu’on a tous le même feu en nous de faire de bons jeux.

On a tous grandi en jouant à Mario, à Zelda, à Sonic et on veut améliorer l’industrie. Je ne sais pas pourquoi il y a autant de salauds.

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XS : Les choses commencent à bouger. Il y a des plaintes déposées aux USA contre Activision Blizzard, ici en France contre Ubisoft. Comment tu penses que l’on peut aller plus loin, en tant que studio ou joueur ?

N.H : Je pense que tous les studios doivent faire de l’introspection. Quand on dit engager plus de personnes avec des background différents, des femmes, des personnes avec des nationalités différentes … je pense que les gens ne comprennent pas à quel point ça ajoute une saveur, une richesse au studio et aux projets. C’est incroyable.

Imaginez un studio où il n’y a que des hommes. Si vous mettez une femme dans votre jeu, comment allez-vous l’écrire ? Est-ce que vous savez comment l’écrire ?

C’est l’affaire de tous les studios, même les plus petits. Il faut essayer de créer une culture diversifiée, les jeux n’en seront que meilleurs.

Et en tant que joueur, c’est plus difficile, mais essayez de n’attaquer personne. Mais même les gens qui essaient de bien faire sont parfois maladroits.

Alors mon conseil pour tous les managers de studio : allez voir un psychologue. Vous êtes peut-être traumatisés, vous avez peut-être vécu des choses, mais allez en thérapie ! Les autres autour seront moins infectés !

XS : Dernière question : dans un paysage extrêmement varié où vois-tu Compulsion Games à l’avenir ? 

N.H : Je pense que c’est un peu difficile à prédire. Ce sont des choses que l’on apprend avec l’expérience.

Au début nous étions indé, avec Contrast on a appris pas mal de choses qu’on a appliqué à We Happy Few. En ce moment on est dans une situation qu’on a jamais connue avant. Donc je ne sais pas, on va apprendre.

En observant les autres jeux similaires, on va apprendre d’eux, on va les étudier. On verra après comment on s’en sort.

XS : Merci Naila pour toutes tes réponses, ton temps et ton extrême amabilité. Et tout le meilleur pour l’équipe !

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