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Backstage #3 – Rencontre exclusive avec le créateur de 12 Minutes : Luis Antonio

Présenté à l’E3 2019, 12 Minutes a réellement fait sensation. Le thriller interactif mettant en scène un homme piégé dans une boucle temporelle est intriguant et beaucoup sont impatients de mettre les mains dessus. Afin d’en savoir plus sur le jeu, mais également sur sa genèse, nous avons eu le privilège de rencontrer Luis Antonio. Au cours d’une longue interview, nous sommes revenus sur ses débuts dans le monde du jeu vidéo, les challenges liés au développement indépendant, le casting 5 étoiles, ainsi que les mécaniques du jeu.

Bienvenue dans Backstage.

Backstage : à la découverte des développeurs et des studios 

Backstage, c’est quoi ? C’est revenir, le temps d’une émission, sur l’histoire et les coulisses d’un jeu, d’un studio ou d’une saga. Backstage se veut être une plongée plus fine, plus précise dans l’envers du décor, en compagnie d’experts sur le sujet. Ces derniers pourront être des développeurs indépendants, comme pour cet épisode dédié à Luis Antonio, ou des journalistes, commentateurs ou d’autres personnalités d’autorité sur le sujet. Naturellement, ce format demande beaucoup de travail, alors ne vous attendez pas à découvrir un épisode de Backstage chaque semaine.

Pour cet épisode, nous vous proposons une version de l’interview entièrement traduite en français.

Mais si vous avez une préférence pour visionner la version originale, elle est également disponible avec des sous-titres en français.

Nous sommes impatients d’avoir vos retours dans les commentaires sur ce nouveau format. N’hésitez pas à partager votre avis plus bas et à commenter cette vidéo.

Merci encore à Luis Antonio pour son temps, sa disponibilité et son accessibilité. Ce fut un réel plaisir ! 

Retranscription Interview avec Luis Antonio, créateur de 12 Minutes

Dans un soucis d’accessibilité et de confort pour chacun, nous vous proposons également une retranscription écrite de l’interview. On vous laisse découvrir cela 🙂

Xboxsquad.fr (XS) : Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de Backstage. Je suis Ludo pour Xboxsquad et j’ai le plaisir d’être rejoint par une personne très talentueuse : Luis Antonio, le créateur de 12 Minutes, un jeu très attendu à propos d’un homme piégé dans une boucle temporelle. Salut Luis, comment vas-tu ?

Luis Antonio (L.A) : Bonjour, ça va plutôt bien. Merci de m’avoir invité. Merci d’avoir pris le temps, c’est un vrai plaisir.

XS : Je crois que c’est une période chargée.

L.A : Ah ça, oui ! Nous sommes dans les dernières étapes pour le jeu en essayant de tout rassembler et le sortir dès que possible, alors oui, beaucoup de choses se passent.

XS : Chouette ! Avant de parler du jeu, j’aimerais que tu te présentes et que tu nous parles de ton parcours dans l’industrie du jeu. Quand as-tu commencé ? Quelle était la motivation pour le faire ? Et ce qui t’a décidé à faire des jeux vidéo.

L.A : Ah, ça sera une longue réponse. Alors, oui j’ai étudié les beaux-arts à Lisbonne au Portugal. Je voulais être un illustrateur à l’origine et puis un de mes amis m’a montré des packages 3D comme Studio Max et Maya et ça m’a vraiment intéressé. Donc après l’université, je voulais quitter le pays et j’ai un peu cherché. Le Royaume-Uni était assez proche, Rockstar Games embauchait et donc j’ai postulé. Je suis entré et j’ai commencé à travailler avec eux. Je suis resté pendant environ trois ans. Ensuite, j’ai voulu essayer autre chose et j’ai eu une opportunité avec Ubisoft au Québec au Canada.

J’ai déménagé là-bas, je suis devenu directeur artistique. Ensuite, j’en ai eu un peu marre de faire du triple A. Et ensuite, j’ai eu l’occasion de travailler avec Jonathan Blow sur The Witness alors j’ai quitté le Québec et déménagé à San Francisco. On a mis trois ans et demi, je pense, pour terminer le jeu et alors que nous terminions ce jeu, j’ai utilisé mon temps libre pour travailler doucement sur l’idée de 12 Minutes. Et puis à la fin de The Witness, j’ai arrêté de travailler avec Jonathan Blow et j’ai commencé en solo sur ce projet. Et alors, à côté de la partie artistique, je suppose que tu jouais aussi. Quelle sont tes principales influences sur le jeu ? Et la question bonus sera de savoir si tu peux nommer tes trois meilleurs jeux. C’est marrant parce que mon père était programmeur et mes parents n’autorisaient aucune console donc pendant mon enfance il n’y avait pas de Super Mario, il n’y avait pas de Zelda… J’étais seulement un joueur PC et donc mes grandes influences étaient des trucs anciens comme Monkey Island, Another World Je pense qu’il a un autre nom en fonction du pays.

XS :  Ah, ici c’était bien Another World.

L.A : Doom, Unreal, … Ouais, ce sont les jeux auxquels j’ai joué quand j’étais jeune. Il y a tellement de jeux… Alors concernant les meilleurs jeux… Shadow of the Colossus est vraiment très bon. Il y a aussi quelques jeux que je considère importants pour moi. Et je pense pour l’industrie aussi. Comme Shadow of the Colossus, Papers Please est aussi vraiment bon… Aussi, Daniel Benmergui, je ne sais pas si tu connais. C’est un développeur. Son premier jeu Today I Die est bien et aussi le premier conte qu’il a fait a été assez important, je pense, pour le développement indépendant. Braid était plutôt bon aussi. Ouais je vais m’arrêter là avec eux…

XS : Tu as donc une longue liste de titres qui t’ont influencé. Et donc tu as travaillé chez Ubisoft et Rockstar ou Rockstar puis Ubisoft et ensuite, tu as rejoint Jonathan Blow avant de travailler sur 12 Minutes comme tu l’as dit. Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans le développement indépendant et quel genre d’expérience as-tu retenu de ces grandes boites ?

L.A. : La raison principale était surtout que la façon dont les entreprises AAA fonctionnent est très différente de celle des indés. Il y a vraiment beaucoup de gens qui y travaillent. C’est comme si c’était un gros… en fait, c’est une grosse créature qui se déplace très lentement et pour laquelle toutes les décisions doivent être rentables juste parce qu’il y a tellement de gens qui travaillent pour un seul projet et je pense que ça finit par, tout au moins quand j’étais dans ces entreprises, ça crée beaucoup de décisions qui finissent par être prises à cause du marketing ou pour des opportunités de gagner de l’argent. Cela tuait souvent la créativité et et j’ai donc voulu travailler avec des personnes plus concentrées sur la création d’un produit et qui ne sont pas intéressées par ces décisions d’argent. Donc c’était la principale raison. Comme il y avait plusieurs projets chez Ubisoft qui continuaient à être annulés ou changés avant mon départ J’en ai eu marre. Mais par rapport à ce que j’ai appris là-bas… d’une part, les grandes entreprises sont très organisées et très talentueuses. J’ai beaucoup appris sur le processus de création d’un jeu du début à la fin. Commencer par le concept, savoir gérer le contrôle de version, comment organiser les fichiers, organiser les données, la communication entre les départements et aussi, comment finaliser. La plupart des gens pensent que quand le jeu est prêt, c’est fini. Mais non. Après, il y a la localisation, le portage, toutes les vérifications qu’on doit faire pour le sortir sur console, les optimisations et tout ça…. Donc c’était plutôt bien parce que quand je suis devenu indé, j’ai en fait réalisé que beaucoup d’indés sont parfois un peu perdus dans l’aspect pratique de la création d’un jeu. Ils pensent qu’une fois qu’ils ont terminé le jeu, il est en quelque sorte prêt à sortir mais il y a toujours beaucoup à faire après.

XS : Ok… et ensuite quand tu t’es décidé et que tu as quitté Jonathan Blow et a ensuite décidé de travailler sur ton propre jeu, est-ce que tu as commencé seul ou tu as commencé avec une équipe ? Tu étais déjà entouré par d’autres personnes ?

L.A : Mon truc principal a toujours été l’artistique. Je faisais des environnements et des personnages et en fait pendant que j’étais chez Ubisoft, j’ai commencé à travailler sur ce concept de du 12 Minutes ou plutôt de répéter le même jour. C’était l’idée juste de la répétition de vivre le même jour maintes et maintes fois. Comme le film un Jour sans Fin. Et ce que j’ai essayé au début a été de créer une équipe, juste parce que je ne savais pas programmer alors j’avais besoin d’un programmeur et un animateur mais personne ne voulait travailler sur son temps libre. Alors j’ai petit à petit réalisé que je devrais le faire moi-même. Quand je travaillais avec Jonathan, j’ai réalisé que beaucoup de développeurs indépendants ont juste appris à programmer alors j’ai appris à programmer et j’ai commencé à travailler par moi-même. J’ai fait ça seul pendant peut-être un an et demi. Je veux dire, après avoir quitté The Witness et commencé à travailler sur ce jeu. Et puis une fois que le prototype était vraiment solide, j’ai commencé à amener des gens pour travailler sur l’animation, la musique, la conception sonore, etc…

XS : Ça a dû être beaucoup d’études et d’apprentissage …

L.A : Oh oui, c’est fou la programmation était …(cherche ses mots)… C’est aussi autre chose : dans les autres studios, un designer ne sait pas programmer. Ce qui était intéressant car le concepteur a une idée comme “faisons un niveau qui fait cela” mais ensuite, il y a un tas de programmeurs pour faire la programmation et puis le concepteur doit valider. Et donc les programmeurs le refont. Il y a donc beaucoup de gaspillage. C’est comme dire que vous êtes un artiste mais vous ne dessinez pas. Vous avez quelqu’un pour dessiner pour vous et ensuite, si le dessin ne ressemble pas à ce que vous voulez qu’il ressemble, vous lui demandez de redessiner. Mais dans le monde indé, le designer sait programmer donc s’il a une idée… Je me souviens de Jonathan, il avait une idée, il entrait dans une pièce, il revenait, et il avait réalisé son idée. Donc, le processus d’itération pour créer quelque chose est vraiment rapide.

XS : Plus dynamique, plus flexible, je suppose…

L.A : Ouais, plus personnel aussi…

XS : Mais les deux cas, travailler pour de plus grandes entreprises ou travailler seul ou pour des jeux indépendants, présentent des avantages et des inconvénients. Quels seraient-ils pour toi ?

L.A : Et bien, ça dépend de ce que tu aimes. Je pense que voir quelque chose en positif ou en négatif dépend vraiment de votre point de vue. Dans les grandes entreprises, vous pouvez vous spécialiser. C’est ce que je pensais vouloir faire. Je voulais vraiment être un artiste de personnage. C’est comme travailler sur Assassin’s Creed et juste se concentrer sur la création des personnages. Et même le modèle Zbrush haute résolution des personnages. Je ne me soucierais même pas de les optimiser et de les mettre dans le jeu. Tandis que si tu es indé, tu dois tout faire. Sur The Witness, j’ai fait le site Web, la bande-annonce, les environnements, j’ai aidé avec des outils pour comprendre des trucs de shader …. Alors oui, ça dépend de ce que tu aimes faire. Si tu aimes être responsable de beaucoup de choses et avoir beaucoup de responsabilités, alors indé est plus facile, mais si tu aimes te concentrer sur une chose que tu fais bien, alors, plutôt les grandes boites. Il y a beaucoup d’inconnues dans le monde indé je pense. Dans les grandes boites, c’est beaucoup plus facile de rester dans sa zone de confort.

XS : Oui, on se concentre sur un domaine de développement qu’on fait bien.

L.A : Exactement et on se développe en quelque sorte dans ce domaine.

XS : Et donc après ces années de développement et de travail dans les jeux, tu envisagerais de retourner dans les grandes entreprises ou est-ce que tu as trouvé le bon endroit pour toi ?

L.A : En fait, certaines de ces entreprises sont en train de changer. Je connais des gens et je sais qu’ils sont en quelque sorte en train de s’adapter parce qu’ils ont vu que les indés peuvent se lancer facilement dans le développement. C’est quelque chose qu’ils commencent lentement à faire aussi. Les outils sont nombreux, plus accessibles, ils n’écrivent plus leur propre moteur pour faire un jeu, alors peut-être, … En travaillant sur 12 Minutes, ça me manque d’avoir une équipe et des gens à plein temps. C’est un peu difficile d’avoir plein de monde qui entrent et sortent du projet, donc j’aimerais avoir une équipe mais je ne sais pas si j’aimerais retourner dans une équipe de 300 personnes où on subit le crunch tout le temps et où il y a toute cette hiérarchie et ces réunions, beaucoup de réunions qui ne sont pas vraiment utiles. Je ne sais pas. Avoir une équipe me manque, mais pas le côté ” bureau ” d’un studio.

XS : C’est quelque chose que tu pourrais reproduire plus tard peut-être, pour un futur projet avec l’expérience que tu as acquise, en créant une plus grande équipe autour de toi.

L.A : Oui, je pense que je mettrais sur pied une core team de cinq, six personnes et ensuite d’autres personnes qui viennent et partent en fonction des besoins du projet. Quelque chose comme ça.

XS : Et ensuite, tu as montré le premier, enfin pas vraiment le premier, trailer à l’E3 2019 parce que je pense que le jeu existe depuis longtemps en développement et qu’il a été montré sur plusieurs salons indés. Quel a été l’impact d’avoir diffusé cette bande-annonce à l’E3 2019 ?

L.A : Alors oui tu as raison. La première fois que je l’ai montré, c’était à la Pax East en 2015. C’était en fait une bande-annonce que j’ai faite. Si tu recherches sur Google, tu trouveras. Ce n’est qu’une horloge et c’est une très vieille bande-annonce mais j’essayais juste de voir si le jeu valait la peine de poursuivre et je recherchais un éditeur. C’était le but de cette présentation initiale du jeu.

Le montrer à l’E3 en 2019 était assez énorme. Je ne savais pas comment les gens réagiraient au jeu. C’était la première vraie présentation du jeu au monde. La plupart des jeux sont très axés sur l’action, les explosions et le score. 12 Minutes est plus subtil et donc j’étais vraiment heureux de voir que les gens ont été intéressés et vraiment curieux de voir le gameplay. Je ne m’y attendais pas. Aussi, pendant cet E3, nous avions une salle avec une version du jeu et nous avons eu des journalistes qui sont venus pendant trois jours sans interruption. Ils jouaient au jeu et ils adoraient ça, c’était très rassurant.

Je pense vraiment que nous faisons quelque chose d’assez cool. Ça a été comme une sorte de confirmation qu’on utilisait notre temps de la bonne manière.

XS : Parlons un peu du jeu maintenant. Discutons des détails du jeu. Peux-tu expliquer de quoi il s’agit et le présenter ?

L.A : Oui. Donc 12 Minutes est un thriller interactif sur un homme pris au piège dans une boucle temporelle. On joue le mari, on rentre du travail et on passe une soirée avec sa femme. Et puis un flic arrive, il accuse la femme de meurtre et on essaie de l’arrêter. Il nous bat, nous tue et on revient au début de la journée. Donc on doit utiliser la connaissance de ce qu’on sait qui va arriver pour essayer de changer le résultat et de rompre la boucle.

Tout est en vue top-down, tout se passe à l’intérieur d’un appartement et tout est en temps réel. C’est également uniquement centré sur ces trois personnages tout le temps.

XS : Tu peux nous dire plus sur les origines du jeu ? D’où vient l’idée et aussi comment a-t-elle évolué ? Le concept était-il tel qu’il est maintenant depuis le début ou est-ce qu’il a évolué dans le temps ?

L.A : Ça a changé. J’ai oublié de mentionner qu’on peut cliquer pour déplacer et combiner des objets. C’est un peu comme un point and click combiné à un jeu d’action-aventure.

Concernant l’influence, ça a commencé, comme je l’ai dit avant, par explorer l’accumulation de connaissances. Qu’est-ce qui se passe si on répète la même situation encore et encore et je voulais voir à quel point ça pourrait être intéressant. Au début, j’ai essayé des trucs comme jouer une journée complète et que ça se passe dans une ville. C’était vraiment ambitieux mais ensuite j’ai réalisé que plus le monde est ouvert, plus il est difficile de voir le résultat de nos actions.

Donc une fois que j’ai réalisé cela, j’ai commencé à compresser et compresser l’expérience pour que ce soit très limité. Au début, j’avais des idées comme avoir un accident de voiture, puis on est en retard au travail, on entre dans notre bureau, on pirate notre ordinateur pour obtenir le mot de passe pour ensuite, … Mais pour transmettre au joueur que la cause d’un accident de la circulation va faire qu’on en retard, qu’on doit accéder à l’ordinateur, … C’était tout simplement trop déroutant. Donc, en compressant cela en temps réel et en peu de temps, on peut voir très rapidement, par exemple, si vous verrouillez la porte, le mec va prendre plus de temps. Si tu ne verrouilles pas la porte, il va être rapide. On voit très rapidement le résultat de nos actions. Donc, ça a été principalement ça. Le contraindre à un petit espace et permettre toutes les possibilités dans cet espace afin de ne pas se sentir limité. Une fois qu’on sait comment jouer au jeu, c’est tout ce qu’on aura jusqu’à la fin. Et tout ce qu’on essaye fonctionne généralement comme on s’y attend.

XS : Et on joue toujours le même personnage dans le jeu ? Car il y a que trois personnages, je pense. On bascule entre eux ?

L.A : Non, on joue toujours le mari qui est le seul à garder la mémoire de tout ce qui se passe. Il apprend à chaque boucle jouée. Il apprend de ce qui s’est passé si bien qu’une fois qu’on sait que le flic arrive, on peut dire à sa femme qu’il y a un flic qui vient. Une fois qu’on en apprend plus, on peut en dire plus. Et le personnage lui-même apprend aussi donc quand il dit des choses, il est plus rapide à dire quelque chose comme par exemple s’il essaie de dire qu’il revit le même jour, après la cinquième fois, il ne dit pas : “Ecoute chérie, je je pense que je revis le même jour…”. Non, ça sera plutôt : “Je vis le même jour ! Voici ce qui se passe, …”.

Donc il apprend aussi et sa personnalité continue d’évoluer à mesure qu’il progresse dans l’expérience.

XS : Donc après plusieurs boucles, il y aura différentes options de scénario ?

L.A : L’idée est que vos actions créeront toujours le même résultat mais la façon dont il les aborde seront plus optimisées. Au début, il sera aussi confus que nous. La première fois que ça recommence, il se demandera ce qui se passe, si la journée commence. Mais après cinq boucles, il sait ce qui se passe, après dix boucles, il est déjà plus à l’aise avec ce qui se passe alors il évolue avec la connaissance mais le résultat de vos actions est toujours le même, de sorte que le le joueur sait à quoi s’attendre. Comme ça, je veux vraiment éliminer toute frustration de l’expérience.

XS : Pour éviter d’être répétitif ?

L.A : Ouais, comme vos actions ont toujours la même réaction il n’y a donc pas de surprise.

XS : Et vous avez dit qu’il y avait de nombreuses actions et combinaisons, qu’on pouvait utiliser des objets. À quoi peut-on s’attendre dans le jeu ?

L.A : La façon dont cela fonctionne est qu’il y a des choses normales. Il y a un verre sur la table, il y a un couteau, … On peut combiner ces objets entre eux. Par exemple, on peut prendre une tasse et elle ira dans notre inventaire. Puis, on peut faire glisser les objets que l’on a. Par exemple, si on fait glisser la tasse vers l’évier, il remplira la tasse avec de l’eau. Si on fait glisser la tasse vers le personnage, il boira la tasse avec de l’eau. Mais on peut également faire glisser la tasse vers sa femme et alors, on lui offre un verre d’eau. Donc c’est en trouvant des objets dans l’appartement et en les combinant qu’on réalise des résultats différents bien différents. Comme verrouiller la porte, … J’essaye de ne pas spoiler le jeu c’est pourquoi je reste vague.

Les options de dialogue évoluent au fur et à mesure que vous en apprenez plus sur ce qui se passe.

XS : Et qui a écrit le scénario ?

L.A : C’est moi. J’ai écrit l’histoire.

XS : Et y a-t-il plusieurs façons de finir le jeu ? Y aura-t-il plusieurs fins ?

L.A : Alors, comme c’est un jeu de boucle temporelle, dans lequel on répète la même chose encore et encore, comment le terminer a été une grande question. On arrivera donc à quelque chose qui pourra être considéré comme étant un résultat satisfaisant pour cette expérience mais la fin ne sera pas comme un film dans lequel on arrive au générique et on éteint. Parce que c’est une expérience interactive il y a d’autres choses qui seront des surprises, j’espère, pour les joueurs.

XS : Et le jeu, comme tu l’as dit, a un peu rétréci et donc maintenant c’est un environnement très limité. Quelle est la durée de vie prévue pour le jeu ?

L.A : Alors, selon les tests menés jusqu’à présent, si vous êtes doué pour les jeux de puzzle ça sera six à huit heures. D’autres personnes prennent un peu plus de temps. Cela dépend vraiment de comment on veut se lancer dans l’expérience mais ouais, je dirais que six à huit heures est la moyenne, du début à ce qu’on peut appeler une fin au jeu.

XS : Et pourquoi choisir une vue top-down ?

L.A : Quand j’ai commencé à programmer, j’ai appliqué un principe en tant que développeur de jeux : je n’ajoute rien sauf si j’ai besoin d’ajouter quelque chose. Et quand j’ai commencé à concevoir le jeu, je me suis demandé s’il allait être à la première personne, à la troisième personne et j’ai commencé très simplement avec une vue top-down. Avant cela, j’ai pensé faire le jeu en 2D où on les voit d’en haut et ils se déplaceraient juste en deux dimensions. Et pendant le développement, je n’ai jamais eu aucune raison de modifier la caméra. Quand vous regardez à travers la porte par exemple, vous avez une vue à la première personne ou si vous ouvrez le réfrigérateur, vous voyez l’intérieur du réfrigérateur donc, la caméra change mais avec caméra top-down, j’ai réalisé que cela permet de naviguer très facilement, donc, pendant tout le jeu, il vous suffit d’utiliser la souris et d’appuyer sur un bouton. On peut également utiliser la manette bien sûr mais c’est très accessible.

Un de mes principaux objectifs était de faire un jeu pour les gens qui ne jouent pas nécessairement à des jeux. Donc je pense que ma maman de 70 ans pourrait jouer au jeu, ma femme qui déteste les jeux vidéo y joue… Donc j’essaie qu’il s’adresse à des gens qui ne sont pas à l’aise avec les jeux. Les gens qui aiment un bon film devraient pouvoir s’asseoir et en profiter sans se prendre la tête avec les commandes. Et la vue top-down était une chose importante pour permettre cette fluidité de l’interaction.

XS : Et c’est très cinématographique !

L.A : Ouais, je pense que ça donne bien !

XS : Je suppose qu’il y a pas mal d’influences du cinéma. Peux-tu nous parler des influences cinématographiques ?

L.A : Bien sûr. Je dirais que les plus grandes influences sont clairement la façon dont le cinéma peut utiliser ses outils pour raconter une histoire. Pour faire quelque chose de plus statique, on place la caméra sur un plan plus plat. Pour quelque chose de dynamique, la caméra pourrait vibrer… les vêtements que les acteurs utilisent, les couleurs, le rythme, ont une importance.

Donc, j’ai essayé de voir comment utiliser ces fonctionnalités dans la conception de jeux, quels sont les vêtements qu’ils portent, comment les personnages se parlent, et puis aussi, comment sont faits certains films.

Par exemple, dans Memento, comment Christopher Nolan a changé l’ordre des scènes, ce qui permet au spectateur de vivre la perte de mémoire du personnage principal. Ou encore comment dans The Shining l’architecture est un peu bizarre et ça correspond un peu à cette impression confuse quand Jack entre dans cet état mental. Ou encore Hitchcock dans Fenêtre sur Cour dans lequel le point de vue est à partir du balcon. On perçoit ce qui se passe sur le bâtiment en face. De la même manière le personnage principal fait sans savoir si quelqu’un vient de mourir, si ce gars est le tueur,…

Donc en réutilisant ces codes et en suivant certaines de ces règles, j’ai essayé de rendre le jeu plus cinématographique.

XS : Et aussi avec des références comme le tapis dans The Shining.

L.A : Ouais, je pourrais changer ce tapis mais je l’aime vraiment et tout le monde semble l’apprécier.

XS : C’est vrai. Ça donne bien et c’est une belle référence donc c’est vraiment cool. En parlant de films, tu as dit, je te cite, si nous devions comparer les jeux vidéo avec des films nous serions encore à l’ère du cinéma noir et blanc et muet. Peux-tu expliquer un peu ce que vous entendez par là ?

L.A : C’était une plus longue conversation et ils ont juste coupé cette partie, mais c’est plus à propos de comment étaient les films au début. Ils étaient filmés comme au théâtre. Ils étaient filmés comme si on était assis dans le théâtre et qu’on voyait toute l’image en un plan.

Et puis un jour, quelqu’un a tenté de faire un gros plan, de faire un zoom sur la tête de quelqu’un, ou encore de changer les techniques d’édition et je pense qu’on peut comparer cela aux jeux. Avec les premiers jeux, on a défini qu’il y avait un but, qu’on allait gagner, qu’on allait avoir un score comme ces jeux de style Pac-man. Et progressivement, on a remarqué qu’on pouvait raconter des histoires avec des jeux comme avec Papers Please ou encore Today I Die, ou encore Journey, ce sont des jeux qui sont capables de porter des thèmes fortement émotionnels tout au long du récit. Ce n’est plus seulement gagner ou perdre.

Et je pense que finalement, très lentement, les jeux comme Red Dead Redemption 2 sont un bon exemple de ce qu’ils deviennent. Ils deviennent assez importants par rapport à ce qu’ils essaient de faire ou qu’ils essaient de dire et la quantité d’interactivité qui se produit. Je pense par contre que nous sommes toujours coincés dans ce modèle où les ennemis ont de la santé, vous avez des niveaux, vous avez un score, vous gagnez, vous accumulez des objets, … c’est ce que je veux dire par être toujours en noir et blanc. Nous dépendons toujours de ce bagage du début des jeux et des jeux utilisés pour s’amuser quand on n’a rien à faire.

Avec un livre, par exemple, ce n’est pas la même chose. Par exemple, vous n’allez pas regarder la Liste de Schindler pour vous amuser. Certains films font qu’on grandit après les avoir regardés ou ils peuvent changer notre vie selon notre vécu ou le message qu’ils ont à faire passer. C’est pourquoi j’essaie de promouvoir 12 Minutes en tant que thriller interactif. En essayant de garder l’aspect interactif de celui-ci mais, en quelque sorte, de s’éloigner du monde du jeu où on joue simplement pour s’amuser et passer du temps, sans apprendre ou grandir même si oui, c’est en train de changer. C’est ce que je veux dire quand je dis que nous sortons lentement de ce noir et blanc.

Tu sais, maintenant il y a des jeux mobiles comme Gorogoa, je ne sais pas si tu y as joué. Ou encore Florence… Et tous ces jeux sont accessibles à tout le monde, on peut y jouer sur téléphone et ils sont très profonds, ils traitent des relations, de la dépression et des émotions et des thèmes plus profonds que le simple tir et le score.

XS : Et pour le jeu, tu as réuni un casting de marque pour les voix off. Tu as travaillé avec James McAvoy, Daisy Ridley et Willem Dafoe. Peux-tu m’expliquer comment tu as réussi à faire ça ? Comment se sont-ils lancés dans ce projet ?

L.A : Ce jeu a suivi un processus lent. Donc quand je travaillais sur le prototype, celui avec lequel je suis allé à la Pax East, et quand j’ai montré le jeu, j’ai reçu des réactions très positives et je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose d’intéressant ici. J’ai donc continué à travailler dessus. Ensuite, je me suis associé à Microsoft, ils ont aidé pour les premières années de développement et le jeu a continué de croître. Pendant tout ce temps, il était censé être sans aucune voix, juste des textes de dialogue et si vous voyez les prototypes de l’époque, il y avait des phylactères au-dessus des têtes montrant le texte.

Alors que le jeu commençait à devenir plus concret, tout tournait autour du fait qu’on croit en ces personnages. Puis j’ai commencé à parler avec Annapurna Interactive car ils ont cette connexion avec le monde du cinéma et nous sommes tombés d’accords : si nous voulions augmenter la qualité de production, il fallait amener des voix de qualité. Cette expérience pourrait être beaucoup plus forte, donc nous avons fait quelques tests et nous avons constaté que cela apportait beaucoup au jeu.

En faisant ça, on a voulu aller jusqu’au bout des choses. Alors, nous avons lentement commencé le processus de recherche d’acteurs qui seraient intéressés par le projet et… Voilà, nous avons obtenu notre casting. J’en parle comme si c’était facile mais ça ne l’était pas.

XS : Et, était-ce une nouvelle expérience pour eux de travailler dans les jeux vidéo ? Parce qu’on a vu la bande-annonce sur les voix off et cela a dû demander beaucoup de travail avec toutes ces options de dialogue. Etaient-ils habitués à la chose ?

L.A : Willem avait déjà travaillé pour certains jeux. Je crois que Daisy Ridley a déjà fait un titre VR ou quelque chose dans le genre. Et je pense que, pour James, c’était son premier jeu. Mais il a déjà fait des livres audios récemment, je pense qu’il a fait The Sandman de Neil Gaiman.

En fait, le grand défi au début, et même avant que nous ayons notre casting, était que tous les acteurs trouvent le projet vraiment intéressant et veulent voir le script. Mais le script n’est pas linéaire. Il y a dix documents avec d’énormes organigrammes avec tous les dialogues possibles mais aucun d’entre eux vont du début à la fin. Nous avons donc dû résoudre ce problème.

Tout d’abord, il fallait trouver un moyen de créer une sorte de script. Puis nous avons réalisé que cela nous a aidés d’amener les acteurs à comprendre les personnages. Savoir qui ils sont, d’où ils viennent, écrire leur biographie… Donc oui, le défi a été de décomposer tous les dialogues en morceaux qui pouvaient être enregistrés. Il y avait beaucoup de travail et ils ont été super patients. Lors des premières sessions, ça a été assez délicat car ils ont dû comprendre l’espace, ils ont dû comprendre le rythme de l’expérience afin qu’ils puissent aligner leur état d’esprit. Par exemple, ceci et cela s’est produit, cela n’est pas encore arrivé, cela pourrait arriver et je laisse autant de boucles,…

Mais après deux ou trois sessions, comme ils sont vraiment bons, ils ont trouvé le truc et ils ont apporté leur expérience dans les personnages et ça a élevé la production.

XS : En effet. De ce qu’on a déjà pu entendre, ça a l’air vraiment bien. Et combien de temps a-t-il fallu pour enregistrer ces performances vocales ?

L.A :  Nous avons fait un total de, peut-être, dix sessions d’une journée complète chacune. Et puis ils alternaient entre eux. Ils étaient dans un studio quand il y n’y avait que deux d’entre eux qui interagissaient. Il n’y a jamais trois acteurs ensemble. Il y a des situations comme ça mais on faisait ça séparément car c’était plus facile de les diriger. Donc ça a pris un mois, un mois et demi peut-être.

Mais c’était intéressant la manière dont nous l’avons fait. On enregistrait quelques lignes et puis nous les mettions dans le jeu afin que nous puissions voir si elles fonctionnaient correctement. Et lors de la prochaine session, nous pouvions faire des ajustements si la performance ou le rythme devaient changer légèrement. Parce que beaucoup de lignes sont parfois dynamiques et vont ensemble, alors on a dû s’assurer que les choses collaient bien ensemble.

Par exemple, si quelqu’un pleurait et était triste, il ne peut pas tout à coup se retrouver détendu. On s’est assuré que tout allait bien ensemble.

XS : Et ont-ils joué au jeu ? Ou au prototype ?

L.A : Non, non. Nous avons fait une lecture de table avant d’enregistrer. Ils étaient tous ensemble et nous les avons amenés à interagir en tant que personnages afin que nous puissions avoir une idée des relations entre eux, ou bien comment ils étaient censés réagir l’un à l’autre. Je leur ai montré le prototype, ils m’ont vu jouer un peu pour avoir une idée du jeu. La chose à comprendre est que puisque c’est top-down, on ne voit jamais les visages. Toutes les grandes expressions qu’on peut faire avec son visage ne valent rien. On ne voit rien de tout cela. Il s’agit seulement de mouvements du corps et du ton de la voix. Alors on s’est assuré que la tonalité de la voix transmettait ce qu’on obtiendrait habituellement en voyant le visage.

Si quelqu’un est heureux, on a besoin d’une bouche ouverte, on a besoin de l’expressivité. Si quelqu’un est triste ou si quelqu’un est stressant, on a besoin de plus de respiration et donc on a dû faire tout cela afin d’obtenir le même sentiment en vue top-down.

XS : Et combien de temps a-t-il fallu pour développer le jeu ? Parce que je pense avoir vu en 2015 que tu t’attendais à ce qu’il soit prêt d’ici 2017.

L.A : Oui, c’était donc la petite version du jeu. C’était la version pour évaluer le potentiel.

L’idée elle-même a germé quand j’étais chez Rockstar, il y a longtemps, mais le travail réel dessus je dirais que ça a commencé à la dernière année de The Witness, en 2014, peut-être. Puis en 2015, j’ai eu un prototype prêt et je l’ai montré au monde donc oui, c’était plus ou moins à ce moment-là.

Mais il n’a cessé de grandir. L’histoire en elle-même a été terminée assez tôt mais à comment le rendre immersif ? Il y a eu plein d’opportunités pour l’améliorer par rapport à ce qu’il était.

XS : Et après toutes ces années, quels ont été les plus grands défis que tu as rencontré lors du développement du jeu ?

L.A : Il y a des défis techniques, mais je ne pense pas qu’ils valent la peine d’être mentionnés parce qu’ils changent à chaque génération de technologie comme des problèmes de rendu des polygones à l’écran…. Mis à part les défis techniques, je pense que le plus important était le temps que ça a pris.

 Au début, j’essayais de me concentrer sur la finition, mais si j’anticipe toujours sur ce qui n’est pas le moment présent, sur le but final, je stresse juste tout le temps. Alors, accepter que cela prenne du temps était un gros problème.

Mais en termes de développement, le plus gros défi était de rendre la boucle intéressante. Parce que chaque fois que vous redémarrez une boucle, cela peut devenir ennuyeux très vite parce que vous vous savez ce qui va se passer. Donc faire ce qui est vraiment rafraîchissant était difficile.

Le second plus grand défi, dont je suis vraiment curieux de savoir si les gens vont trouver que cela fonctionne ou non, était…. Tu sais, quand tu joues à Super Mario, si tu fais un saut et que tu rates le saut, tu sais pourquoi tu as raté le saut. Tu sais que tu aurais dû faire un double saut, que tu aurais dû courir plus vite tu sais pourquoi tu as raté, c’est très clair. S’il y a de la frustration, c’est à cause de vos actions, ce n’est pas le jeu qui est injuste, comme Tomb Raider. Tu sais, dans Tomb Raider, il y a des niveaux où tu tournais à un angle et tu avais les pics qui sortaient et … Tu devais rejouer le niveau.

C’est ce genre de design pas idéal où tu ne sais pas ce qui va arriver et le genre du point and click qui, à mon avis, ont été de grandes influences pour 12 Minutes et la résolution de ce problème. Je ne sais pas si tu as beaucoup joué à ces jeux.

XS : Oui, beaucoup.

L.A : D’accord donc tu connais probablement ce truc où, à un moment, tu commences juste à mélanger les choses parce que tu as raté un pixel ou que tu n’as pas ramassé cet élément caché dans un coin et c’est injuste. Ça ruine le jeu. Mais j’avais besoin de certaines de ces règles dans ce genre de jeu parce qu’il mélange le dialogue et l’interaction.

Donc ce que j’ai réalisé, c’est qu’en rendant les descriptions très claires de ce avec quoi tu peux interagir – Tu as des objets à ramasser comme un verre, un couteau, il y a l’assiette,… il y a eu plus de choses que je ne vais pas lister – une fois que tu connais les éléments que tu peux récupérer dans l’appartement, tu sais comment t’en servir correctement. Le jeu ne vous dit jamais rien. Tu vois un évier, tu vois un verre, ce qui va se passer est très logique et il se passe exactement ce que tu attendais qu’il se passe.

Alors une fois que je connais ces descriptions et que je m’en tiens à elles, la frustration avait disparu en un sens. Si tu ne peux pas ouvrir la fenêtre au début du jeu, tu ne pourras pas soudainement l’ouvrir et sauter au travers. Ça ne change pas. Tu ne pourras pas faire glisser le canapé pour bloquer la porte d’entrée parce que tu ne peux pas…. Tu sais, c’est comme dans les jeux de tirs. Quand tu joues à un jeu de tir tu ne penses pas à laisser tomber le pistolet et à ramasser une pierre sur le sol. Donc c’est la même logique, le même vocabulaire. Donc ne pas être frustrant était sans doute le plus grand défi.

XS : D’accord. Puis, à un moment donné, tu as dû trouver un éditeur. Et tu es allé chez Annapurna Interactive. Peux-tu nous dire comment ça s’est passé ? Tu les as contactés ou ils ont vu le jeu ?

L.A : Lorsque j’ai commencé à travailler sur un prototype sur mon temps libre pendant que je travaillais sur The Witness, je voulais juste voir ce qui allait se passer avec l’idée. Le moment où j’ai montré l’idée à des amis et qu’ils l’ont trouvée plutôt cool c’est quand je suis allé à la PAX. Et la PAX était un test pour voir si les gens allaient apprécier ce jeu. Et ce fut le cas.

Rock, Paper, Shotgun, Kotaku, Polygon, ils ont tous vraiment apprécié le jeu. Et alors j’étais prêt à voir si cela pouvait être financé. Tous les éditeurs que je pourrais approcher, je pourrais leur montrer le prototype et voir ce que les gens en disent. Connaissant le monde du triple A, je ne voulais pas de quelqu’un qui dise “ajoutons des succès ici, faisons des DLCs, préparons-le dans un an”. Donc je devais trouver quelqu’un qui me laisserait le faire à ma façon.

Le premier partenariat était avec Microsoft. Le Programme ID@Xbox. Ils ont vraiment aimé le jeu et ils me disaient “On va vous aider à réaliser cela, prenez le temps dont vous avez besoin, nous sommes là pour vous.” Et après un an et demi, quand le jeu a commencé à grandir, c’est là que j’ai commencé à parler avec Annapurna Interactive. C’était un peu comme un intérêt mutuel. C’était un projet qui les intéressait et il y avait des gens que je connaissais, grâce à l’industrie et que j’appréciais vraiment. Et nous avons senti que ça allait coller entre nous.

Cette expérience cinématographique que j’essayais de faire, c’est exactement ce qu’ils voulaient faire. Les autres éditeurs étaient plus axés sur le style de jeu. Alors oui, après un moment, nous nous sommes associés, c’était il y a deux ans maintenant je crois, pour finaliser les choses.

XS : Ok. Et le jeu sera exclusif à Xbox ?

L.A : Oui, ça sortira sur PC et Xbox pour commencer, oui.

XS : Et à présent, il y a de nouvelles façons de consommer des jeux vidéo tels que le Xbox Game Pass ou d’autres autres services de streaming. Quel est ton point de vue sur tout cela ?

L.A : En tant qu’utilisateur, des trucs comme Netflix et Spotify sont faciles. Pour écouter une chanson, je n’ai pas besoin d’acheter un CD ou d’acheter une seule chanson et je peux essayer des trucs. Mais d’un autre côté, en tant que développeur et en connaissant les difficultés des musiciens sur Spotify et la manière dont cela dévalorise le produit, il est difficile d’apprécier ces services d’abonnement. Je pense que malheureusement, nous allons dans cette direction.

En tant qu’utilisateur j’aime ça, mais en tant que développeur, je pense que nous devons trouver un moyen pour que le travail soit récompensé correctement pour l’effort fourni afin qu’on puisse en faire plus et que les utilisateurs puissent toujours profiter du service. Je pense que ce sera la voie à suivre mais nous devons juste arrondir les angles pour le rendre plus intéressant pour toutes les personnes impliquées.

XS : Et maintenant, en regardant à nouveau dans le miroir avec tout le bagage que tu as, si tu devais refaire quelque chose, que changerais-tu ?

L.A : Qu’est-ce que je changerais ? Dans un certain sens, c’est un peu bizarre de demander ça. C’est comme une boucle temporelle puisqu’on sait ce qui va se passer. Qu’est-ce que je changerais….

Je pense que je changerais juste la façon dont certains aspects du développement ont été fait. Au niveau de la conception, je pense que je garderais tout pareil mais j’aurais pu faire les choses plus vite. Mais c’est tricher. Je ne savais pas que certaines choses iraient dans certaines directions. Par exemple, nous avons fait beaucoup plus d’animations que ce que je prévoyais. Alors, j’aurais embauché plus d’animateurs, des trucs comme ça.

Ou par exemple, trouver la musique du jeu a été beaucoup plus compliqué que je ne le pensais parce qu’une fois qu’on a enregistré les voix, la musique qui, au début, conduisait les émotions a du être changée. Si j’avais su qu’on aurait eu le doublage, …

C’est une question difficile parce qu’en sachant ce que je sais maintenant, j’aurais fait la production différemment. Mais tout le reste, le temps que ça a pris et tout ça, ça a été assez agréable et j’aime le faire donc non, je ne changerais pas grand chose.

XS : Et maintenant, quels sont tes projets pour le futur ? As-tu déjà des projets en tête ?

L.A : D’abord, je vais terminer ce jeu.

Ensuite, je pense que j’ai une idée assez cool pour un prochain jeu. Je suis en train de voir comment je pourrais le réaliser, sans refaire les mêmes erreurs ou sans prendre autant de temps. Oui, j’ai quelques idées que je veux essayer, j’ai besoin de les prototyper et comme on en a discuté, je pense que cette fois j’aurais une équipe de base au lieu d’être seul, comme trois ou quatre personnes. Oui, juste construire une petite équipe et travailler sur le prototype et si c’est assez bon, alors faire grandir l’équipe et créer le produit.

Et peut-être prendre un peu de temps. C’est vraiment difficile de penser à ça maintenant parce que nous n’avons pas terminé 12 Minutes et on est juste à la fin alors probablement d’abord une pause de quelques mois à ne rien faire et puis, faire du prototypage.

XS : Et est-ce que le jeu est toujours prévu pour 2020 ?

L.A : J’aimerais vraiment mais je pense que ce sera probablement 2021. Début 2021. Oui, c’est probable.

XS : OK, super. J’ai vraiment hâte de jouer à ce jeu. Il a l’air vraiment très original. Je pense que nous en avons fini avec toutes mes questions. Pour ceux qui veulent suivre ton travail et voir ce qui se passe avec 12 Minutes, comment peuvent-ils te suivre sur Internet ?

L.A : Vous pouvez aller sur le site  http://twelveminutesgame.com/ et il y a un blog de développement, les nouvelles sont là. Vous pouvez également aller sur Twitter : @12minutesgame, qui publie les derniers développements, ou suivez-moi sur @facaelectrica.

Et oui, j’ai hâte de sortir le jeu pour que les gens jouent. On est vraiment près du but. Beaucoup de gens continuent de demander quand est-ce que ça sort… mais nous voulons vraiment offrir une expérience de qualité. On ne peut y jouer qu’une fois parce que tout est question de connaissance. Une fois que vous connaissez les choses, vous ne pouvez pas ne pas les connaître. C’est pourquoi je veux proposer la meilleure expérience possible et c’est pourquoi je prends autant de temps que nécessaire Mais nous sommes sur le point de le finir. Je le promets !

XS : Luis, merci beaucoup pour ton temps. Et je te souhaite bonne chance pour la sortie du jeu.

L.A : Merci pour l’opportunité. Merci beaucoup et au revoir…

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