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Covid-19 : quel impact sur les prix des jeux vidéo ?

À l’heure où je commence cet article, nous sommes le 24 mars 2020. Nous endurons une période sombre puisque le virus COVID-19 nous oblige à rester confinés, pour une période indéterminée, à notre domicile. Toutes les boutiques ne commercialisant pas de produits de première nécessité sont fermées, les centres commerciaux, les centres-villes, les grandes avenues, tout est désert. Je rédige ces lignes afin de parler du marché du jeu vidéo, et uniquement de ce marché. Je n’oublie pas les pertes humaines, les questions sanitaires, politiques, sociales. Mais le marché du jeu vidéo demeure le seul que je maîtrise suffisamment pour en parler publiquement. N’y voyez pas un opportunisme de ma part.

La situation avant le confinement

Avant le confinement, il y avait trois façons de consommer du jeu vidéo physique :

  • Les boutiques spécialisées

Ces dernières sont présentes dans les rues de nos villes ou les galeries marchandes. Nous y trouvons quelques irréductibles indépendants ainsi que l’enseigne du groupe GameStop, Micromania. Ces enseignes font face à de fortes charges locatives et de personnel, elles sont indiscutablement sur le déclin. Si beaucoup de personnes franchissent encore leurs portes, c’est qu’elles pratiquent la reprise et la vente de jeux d’occasion. Un moyen de consommer du jeu vidéo à prix réduit pour ceux qui savent patienter quelques mois avant de se procurer les derniers hits.

  • Les grandes surfaces

Présentes en zone commerciale ou industrielle, un peu en retrait de nos villes. Nous y trouvons Auchan, Carrefour, Leclerc… Ces mastodontes de l’économie ont l’avantage de bénéficier du droit de tout vendre. Électroménager, nourriture, loisirs… C’est le lieu idéal pour les familles puisque papa maman peuvent faire leurs courses pendant que le petit Benjamin, 11 ans, peut aller baver devant les dernières nouveautés Xbox. Des nouveautés qui, grâce à la puissance financière de leurs vendeurs, sont affichées à des prix très attractifs, parfois 30 % en dessous de leur concurrent du centre-ville. En revanche, pas ou peu de titres en rayon ont plus de deux ans.

  • Internet

Le nombre de sites proposant de la vente de jeux vidéo est incalculable, nous allons ainsi nous concentrer sur le leader incontestable, Amazon. Localisé physiquement dans des hangars immenses en zones industrielles, fiscalement dans des pays plutôt généreux, et commercialement dans chaque foyer équipé d’une connexion. Amazon est sans conteste le commerçant le plus avantagé. Il le rend à sa clientèle en proposant des prix très attractifs sur les nouveautés, une livraison extrêmement rapide ainsi qu’un suivi après-vente de qualité. Amazon permet aussi, contre une commission, aux vendeurs du monde entier de commercer sur leur plateforme. Ce qui leur permet de proposer des jeux et consoles d’occasion ainsi que beaucoup de produits rares et recherchés.

On pourrait se poser la question sur l’équité de cette concurrence. Pourquoi une boutique spécialisée devrait payer un loyer élevé accompagné de restrictions de vente quand un géant de la distribution aurait plus ou moins carte blanche ? Mais le consommateur en sort souvent grand gagnant. Le prix des nouveaux jeux étant extrêmement bas, et les jeux datant de quelques années se retrouvent bradés d’occasion à quelques euros dans les étalages. L’exemple le plus marquant demeure celui de la Nintendo Switch. Une console présentée par Nintendo à 329,99 € et qui s’est retrouvée partout à 299,99 € sous la pression de la grande distribution. C’était la première fois que la distribution imposait à la baisse le prix d’une console à son lancement.

Les conséquences du confinement

Sur la distribution de jeu vidéo, l’impact est majeur. La perspective de devoir rester confiné dans son appartement, sans travail, plusieurs semaines, a créé une forte demande en produit de loisirs. Ajoutons à cela que les mois de mars-avril sont historiquement riches en sortie, puisqu’ils correspondent à la fin de l’année fiscale dans l’industrie. Pour 2020, les sorties majeures sont celles de Animal Crossing New Horizons (Nintendo Switch) et Final Fantasy VII Remake (Playstation 4). Microsoft joue un peu à part puisque leurs sorties Ori & the Will of the Wisps ainsi que Bleeding Edge sont destinées à être vendues principalement en téléchargement via le Xbox Game Pass.

Animal Crossing et FF7R étaient particulièrement attendus et nombreux étaient les joueurs à avoir précommandé ces derniers afin de s’assurer de les avoir dans les mains le jour J. Problème pour les boutiques spécialisées qui se voient ainsi contraintes de ne pas pouvoir honorer un nombre important de commandes. Micromania et Fnac ont bien tenté d’endiguer le problème en proposant la livraison gratuite pour toutes les précommandes. Mais le consommateur a généralement simplement préféré se tourner vers les boutiques qui restent ouvertes, à savoir les grandes surfaces et Amazon.

Or, il faut savoir que les fournisseurs subissent eux aussi les frais de ce confinement et tournent donc au ralenti. Les quantités envoyées à la grande distribution pour cette période ont été décidées il y a des mois et changer les plans à la dernière minute n’est pas chose aisée. Surtout que le jeu vidéo ne répond clairement pas à une demande prioritaire et il y a des approvisionnements bien plus urgents à gérer pour les transporteurs. Devant une hausse de la demande et une baisse de la distribution, les quelques vendeurs en activité n’ont eu d’autres choix que subir des ruptures et établir des listes d’attentes. La situation, frustrante pour certains, semble légèrement s’améliorer. Les éditeurs acceptent exceptionnellement que les revendeurs prennent de l’avance sur les dates de sortie pour assurer leurs ventes. C’est pour cela que des chanceux ont pu avoir le jeu Résident Evil 3 bien en avance dans leurs boites aux lettres.

Des conséquences sur les prix, une vision de l’avenir.

Les tarifs très agressifs frisant la concurrence déloyale de la grande distribution ainsi que la démocratisation d’Internet font que des enseignes comme Micromania sont régulièrement moquées sur les réseaux sociaux. Il ne faut pas être un éminent économiste pour comprendre alors que les boutiques spécialisées sont vouées à la disparition si nous ne renouvelons pas nos méthodes de consommation. C’est là où le confinement nous offre une fenêtre sur l’avenir, cette disparition des boutiques physiques profite-t-elle au consommateur ? Et bien pas trop !

Les comparatifs ci-joints sont fait à partir du prix constaté en boutique avant le début du confinement. Promotion incluse.

Pour les nouveautés, la concurrence reste féroce entre Amazon et la grande distribution, les prix restent donc très bas pour les grosses sorties avec un Animal Crossing à 44,99€ (-25 %), Doom Eternal à 54,99€ (-20 %) et un Final Fantasy 7 Remake à 49,99€ (-25 % ). Ces produits restent des « produits d’appel » et sont ici affichés à prix cassés afin de générer de la visibilité.

Les choses changent un peu quand on se tourne vers les titres, pourtant récents, dont la campagne marketing a pris fin. Death Stranding se retrouve alors à 50 € (+25%), Gears 5 est à 35 € (+12%) et Fifa 20 est affiché à 50 € (+0%). Les prix sont ici un peu plus élevés qu’avant, mais restent dans la ligne des tarifs indiqués par les éditeurs lors de leurs sorties. Les consoles subissent le même sort avec une Xbox One S affichée à 249 € (+0%) ou une Xbox One X à 299 € (+0%).

Là où les choses empruntent une toute autre tournure, c’est quand un produit est très demandé et trop ancien pour avoir la même production qu’une nouvelle sortie. Dans le meilleur des cas, vous trouverez un rayon vide dans les grandes surfaces. Au pire, des montées de prix assez originales. L’exemple de la Nintendo Switch est frappant. Alors que je vous disais au début de l’article que la grande distribution avait réussi à faire baisser le prix de la Switch de 329 € à 299 €, voilà qu’Amazon redécouvre le prix éditeur et affiche, pour la toute première fois, le prix de 329 € qui était annoncé par Nintendo. Des jeux comme Jedi Fallen Order ou Mario Kart 8 Deluxe s’affichent désormais à 69€ (+70%) et 65€ (+45%). De là à dire que le géant américain profite de la disparition des commerces de proximité il n’y a qu’un pas… Que je franchis sans souci.

Amazon permet aussi à toute entreprise ou particulier de vendre sur sa plateforme. Ce n’est pas gratuit pour le vendeur qui devra reverser 8 % de sa vente pour les consoles, et 15 % pour les jeux (en plus d’un abonnement mensuel). Des commissions assez élevées qui se justifient par l’immense visibilité que procure la marque. C’est « grâce » à cela que des vendeurs peu scrupuleux viennent afficher des prix totalement indécents. La Nintendo Switch Edition Animal Crossing s’affiche à 679 € (+95%), le collector de Death Stranding, lui, est à 320 € (+110%). Ces articles ne sont certainement pas en rupture de stock, ils sont présents derrière les rideaux de fer des boutiques spécialisées. Je vous invite donc à un peu de patience avant de sortir le porte-monnaie.

Pour finir, je n’ai pas trouvé de jeux d’occasion à prix fracassé comme pouvaient le faire les boutiques spécialisées. Pas de Doom 2016 ou de Dishonored 2 à 7 €. Pas de FIFA 15 à 1€. L’augmentation de ces jeux plus anciens est bien souvent de 150% minimum. Ce qui prive les bourses les plus modestes de beaucoup d’heures de jeux.

Le jour d’après

La bonne nouvelle, c’est que cette situation de confinement est exceptionnelle et n’est pas destinée à durer. Ceci étant, son impact se fera ressentir dans la longueur pour les revendeurs spécialisés. Si, pendant cette période, les charges sont reportées, elles ne sont pas annulées. Les gérants devront trouver une solution de paiement à moyen terme et le manque à gagner de ces deux mois de confinement ne se rattrapera certainement pas. Ce sont des milliers d’emplois et des centaines d’entreprises qui sont menacés.

Pour éviter ce scénario, peut-être faudra-t-il que les habitudes de consommation changent. Les aides de l’État ne suffiront pas, même si elles restent salutaires pour tous. Notre consommation devra être plus locale, plus responsable. Pour le jeu vidéo, peut-être que mettre 65 à 70 € sur un jeu neuf paraîtra aberrant pour certains, mais c’est nécessaire pour assurer la marge et la survie des commerces. Pour celles et ceux qui ont un porte-monnaie plus léger (ou d’autres priorités), faire l’effort d’acheter un jeu d’occasion plutôt qu’une promotion du Xbox Live.

Il peut être facile de succomber au jeu de la concurrence. Des sites comme Dealabs se spécialisent en bonnes affaires et deviennent des références en la matière. Mais toutes les entreprises n’ont pas les moyens d’avoir une boutique Internet et de payer une équipe pour la faire connaître. Il existe bien des promotions chez le vendeur en bas de chez vous, il suffit parfois de pousser la porte. Le site Hamster-joueur propose quant à lui beaucoup de produits originaux, sur des sites moins célèbres qu’Amazon ou Fnac mais tout aussi sérieux. Si nous donnons la chance à tous de vivre du jeu vidéo, ce sera plus d’emplois, plus de formations, plus de productions. Nous y serons tous gagnants.

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