Devenu Xbox Game Studios depuis 2018, Undead Labs est largement connu pour sa licence State of Decay. Le studio américain est en effet à l’origine de la franchise et développe actuellement un nouvel opus, State of Decay 3. Mais une nouvelle enquête menée par Kotaku présente divers dysfonctionnements au sein de la société ces dernières années. Selon plusieurs témoignages, la direction de l’entreprise aurait notamment d’importantes difficultés d’organisation tout en pratiquant un sexisme ordinaire.
Un rachat qui passe mal
Ce sont ainsi douze développeurs, anciens ou actuels, que Kotaku a pu interroger. Des personnes qui témoignent sous couvert d’anonymat et présentent toute la direction d’Undead Labs comme la cause d’un épuisement professionnel. Une situation qui trouve son origine peu après la sortie de State of Decay 2 et le rachat par Microsoft. Car à l’époque, il semble que beaucoup pensaient que le studio resterait indépendant suite à différents discours de Jeff Strain, le fondateur d’Undead Labs. “C’était les montagnes russes, et certains des premiers employés ont été choqués par le coup de fouet” déclare ainsi un ancien développeur. Mais ce n’est, a priori, pas le seul tort du dirigeant.
Après la vente de sa société, Jeff Strain reste en poste jusque fin 2019. Cependant, à en croire les témoignages recueillis par Kotaku, l’homme était déjà absent depuis de nombreux mois. Certains le désigne comme “un père absent”, soulignant son détachement des équipes les semaines et mois précédant son départ. Et surtout, comme un dirigeant se reposant plus que de raison sur son second : Philip Holt.
Recruté au début de l’année 2019, Holt prend peu à peu la direction des équipes. C’est d’ailleurs lui qui assure la succession de Strain et occupe désormais la tête d’Undead Labs. Malheureusement, le responsable du studio est présenté comme particulièrement toxique. Il est décrit comme népotique et aurait ainsi favorisé l’embauche de proches amis à des postes importants. Des accusations rejetées par Microsoft qui avance notamment la rigueur de son processus de recrutement auprès de Kotaku.
Undead Labs a mis en place un processus d’embauche rigoureux et standardisé pour tous les recrutements potentiels, avec une visibilité et une révision par plusieurs membres du studio
Des femmes réduites au silence
Les employés d’Undead Labs affirment également que le sexisme était particulièrement présent au quotidien. L’avis des femmes semble ainsi avoir beaucoup de difficulté à peser lors des discussions et plusieurs d’entre elles pouvaient être rabaissées. “Les hommes demandaient aux femmes de prendre des notes pendant les réunions, ignoraient leur expertise, et faisaient même des remarques sexistes comme “Vous n’êtes pas aussi jolie que d’habitude aujourd’hui” et “Je suis surpris qu’une fille comme vous ait ce travail.”” peut-on ainsi lire chez Kotaku. Du sexisme ordinaire ne permettant pas aux femmes de s’épanouir aux côtés de leurs collègues masculins.
Lorsque j’ai passé mon entretien chez Labs, on m’a vendu [l’idée] d’un studio en transition qui faisait de [la diversité, l’équité et l’inclusion] une priorité absolue. En réalité, les dirigeants du studio ont peint un visage de diversité, d’équité et d’inclusion pour Microsoft, tandis que les femmes étaient constamment ignorées, rejetées, interrompues, ignorées et blâmées.
Des situations du quotidien que plusieurs d’entres elles ont pu dénoncer auprès d’Anne Schlosser, alors responsable des ressources humaines. Mais toujours, il semble que les discours n’étaient pas entendus ou que le Covid et le télétravail servaient d’excuse. Au point que des réunions ont été menées à l’initiative des salariés afin de diffuser des conseils et formation sur la relation homme femme au travail.
La culture que le studio avait jusqu’à récemment n’était pas la plus hospitalière pour quiconque n’était pas un homme blanc.
Sans que l’on sache exactement pour quelle raison, Microsoft a cependant mené différents entretiens au sein d’Undead Labs. Ces derniers ont concerné des dizaines d’employés et ont mené au départ d’Anne Schlosser. Cependant, cette dernière nie toute corrélation entre les deux sujets et affirme au micro de Kotaku que son départ était déjà acté dans le cadre d’une “réorganisation prévue du studio”
Une préproduction longue et fastidieuse
Toujours selon l’enquête de Kotaku, nous apprenons également que le développement de State of Decay 3 aurait été extrêmement difficile jusqu’ici. La phase de préproduction aurait été particulièrement longue et éprouvante avec des équipes cloisonnées et beaucoup de changement au sein de ces dernières. En outre, bien que beaucoup d’idées fusaient le cœur du gameplay de State of Decay 3 ne se dessinait guère.
Seulement, Xbox souhaite présenter ses jeux first party en juillet 2020 en amont de la sortie des Xbox Series X|S. À cette fin, plusieurs équipes sont encouragées à faire une démonstration de leur titre en développement, bien que cela reste facultatif. Philip Holt souhaite néanmoins répondre présent et aurait alors particulièrement pressé ses équipes. Des frictions apparaissent et les développeurs sont forcés de créer une bande-annonce.
“Nous ne voulions pas annoncer le jeu parce que nous ne savions même pas ce qu’il était à ce moment-là” précise un développeur encore en poste. Malgré cela, State of Decay 3 est présenté au monde entier. Mais ce n’est pas la seule source de tension. La vidéo met en avant la rencontre avec un animal mort-vivant et promet alors aux joueurs des interactions avec la faune et la flore. Sauf qu’en interne, rien n’est encore acté et cette idée est complexe à mettre en oeuvre.
Vers un avenir meilleur ?
Certains employés pensent néanmoins que le studio est désormais sur la bonne voie. L’un d’entre eux précise d’ailleurs que le contexte “s’est amélioré au cours des six derniers mois environ” tandis qu’un autre croit fermement au potentiel de State of Decay 3. “Cela pourrait être un jeu tellement cool et nous avons beaucoup de gens formidables qui travaillent dessus. J’espère juste que nous ne répéterons pas les terribles habitudes de ces dernières années.”
Et par ailleurs, si Philip Holt n’a pas expressément répondu à Kotaku, il a tenu à prendre la parole sur ce sujet. À travers un communiqué de presse de Microsoft, il partage un discours qui semble reconnaître des erreurs passées. Il y témoigne une forme de reconnaissance des incidents mentionnés par les différents développeurs et assure ne pas se voiler la face. Mais surtout, il souligne combien les efforts ont été multipliés récemment. Des efforts sans doute tardifs mais qu’on espère voir porter leur fruit très rapidement.
Depuis notre acquisition par Microsoft en 2018, Undead Labs s’est attaché à élever la qualité et l’ambition de State of Decay et à accroître la diversité et l’inclusivité de la culture de notre studio. La construction d’un environnement inclusif et de soutien est au cœur de la vision de notre culture, de la façon dont nous permettons à nos équipes de faire leur meilleur travail et de la façon dont nous construisons les meilleurs jeux. Je reconnais que certains de nos employés, actuels et anciens, ont confié que leurs expériences au Labs n’ont pas toujours été positives.
Notre culture passée n’illustre pas ce que nous sommes maintenant, ni ce que nous voulons devenir. Nous avons connu de nombreux changements au cours des dernières années : nous avons une équipe de direction entièrement nouvelle, y compris un nouveau directeur des ressources humaines et un nouveau département en 2021 ; nous avons embauché environ 75 employés depuis le début de la pandémie ; et nous avons transformé la composition démographique de notre équipe. Nous avons déjà constaté que notre transformation culturelle en cours crée un meilleur lieu de travail pour l’équipe, ce qui conduit à de meilleurs jeux pour notre communauté. Je suis fier du travail que nous avons accompli, humble devant la tâche qui nous attend, prêt à tirer les leçons de cette expérience et déterminé à faire mieux chaque jour.
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