Les fans Xbox retiendront longtemps les années 2018 et 2019. Marquées par le rachat de sept studios – dont Ninja Theory, Playground Games ou encore Double Fine – Microsoft avait fait sensation. Cependant, le géant de Seattle traîne un lourd passé autour de ses acquisitions. En effet, l’entreprise est plus connue pour facilement sortir le portefeuille mais avoir plus de difficultés à intégrer à sa structure les entités absorbées. Dans cette situation, acquérir 7 nouvelles organisations et les synthétiser avec une maison mère en conservant l’identité de chacune est un défi de taille. Toutefois, Xbox, sous la direction de Phil Spencer, a montré qu’ils étaient capable de l’impossible. C’est lors d’une longue interview accordée à Gamesindustry.biz que l’on apprend les détails du processus.
Mojang : un coup d’essai a plusieurs milliards
La tête pensante de Xbox commente régulièrement sur le devenir des studios first-party. “Si on regarde la liste, on retrouve notre ADN dans beaucoup des studios “, dit-il.
Prenons Ninja Theory : nous avons fait Kung Fu Chaos avec eux quand ils s’appellaient encore Just Add Monsters sur la Xbox première du nom. On peut penser aussi à la relation que l’on a avec Tim Schafer autour de Psychonauts et certaines productions Kinect qu’il a fait. Tout part d’une relation construite dès le départ.
L’héritage remonte ainsi dès les premières collaborations entre le consolier et les studios alors tiers. Cependant, cela ne suffit pas à assurer la stabilité sur la durée. Voilà pourquoi, Mojang et Minecraft ont été un mètre étalon dans la gestion des relations entre les deux entités.
L’autre point qui nous a donné de l’assurance c’est l’expérience que nous avons avons eus avec les studios. Mojang a été un point important pour nous, où il s’agissait bien évidemment d’un acquisition importante, avec une incroyable franchise qu’est Minecraft. Cependant, Minecraft n’est pas un produit simple. Il est présent sur beaucoup de plateformes et est très influencé par sa communauté. Notre capacité à intégrer Mojang et à développer Minecraft nous a apporté beaucoup en assurance.
Matt Booty : la pierre angulaire d’une intégration réussie
Ce rachat, d’un montant de 2,5 milliards de dollars, était un test osé et coûteux pour la société. Pour réussir ce pari, les rennes ont été confiés à Matt Booty, ayant depuis pris la direction de l’ensemble des Xbox Game Studios.
Avec Minecraft, il n’était pas de notre ressort de changer la direction d’un jeu que nous n’avions pas créé nous-mêmes. C’était un jeu avec une communauté grandissante et dynamique. Il y avait la culture et l’identité du studio.
Il poursuit en précisant que ce qui a fait que Minecraft puisse exister n’aurait probablement jamais exister dans une structure telle que celle de Microsoft.
Nous avions beaucoup à apprendre de Mojang. Il sera facile pour une grande entreprise d’arriver et de dire :”On va vous montrer comment faire les choses. On va vous faire migrer de Java à C. On va vous déplacez de Amazon Web Services vers Azure”. Il est important de réaliser que les conditions qui ont permis la création de Minecraft, comment il a pu naître, sont très certainement des choses qui seraient difficile à reproduire dans une structure plus organisationnelle.
Helen Chiang, la boss du studio, apporte également son angle de vue sur la situation :
L’approche que nous avons adoptée à la suite de l’acquisition est venue de Matt. On voit souvent de grandes entreprises acheter des entreprises plus petites, et il est facile de perdre la magie de ce que l’on a acheté. Il était vraiment important que cette acquisition permette de conserver tous ces grands talents au sein du studio, et de s’assurer que vous continuez à encourager cet esprit créatif. Il ne s’agit pas seulement de résultats commerciaux, il s’agit de créer une base de confiance. Comme vous pouvez l’imaginer, il y avait un grand fossé culturel entre un studio indépendant et une grande entreprise comme Microsoft. Il s’agissait de s’assurer qu’ils avaient confiance que les dirigeants n’allaient pas faire des choses qui nuisent à Minecraft.
Elle poursuit sur la contribution de Booty au syncrétisme entre les deux entités :
La façon dont Matt a intégré Mojang a vraiment aidé à préparer le terrain pour la façon dont Xbox a acquis et intégré tous les studios supplémentaires. Auparavant, Microsoft faisait l’acquisition des sociétés d’une manière spécifique. Et cela n’a pas seulement jeté les bases de studios de jeux supplémentaires, mais quand vous regardez LinkedIn et GitHub, ils ont aussi cette approche minimalement intégrée. C’est vraiment quelque chose que Mojang a mis en place.
Studios débranchés : une formule gagnant-gagnant ?
Cette stratégie évoquée par Chiang s’appelle l’intégration limitée – ou “studios débranchés” – qui permet aux développeurs de conserver leur statut mais de bénéficier de l’appui financier et du soutien de l’entreprise plus importante. La plupart des studios rachetés ont été séduit par cette formule. D’ailleurs, Tim Schafer, patron du studio Double Fine, ou Feargus Urquhart, le boss de Obsidian Entertainment, tiennent le même discours de leur côté.
Les choses sont restées quasiment à l’identique, simplement sans la peur de faire faillite à chaque instant. On fait ça (des jeux, ndlr) depuis vingt ans, ce n’est donc pas si terrifiant. Mais vous pensez souvent à où vous allez trouver les six prochains mois de salaire. Ça occupe énormément votre esprit et je m’habitue tout juste à ne plus avoir cette charge mentale en permanence. Pouvoir consacrer mon esprit aux jeux et à la créativité est une adaptation en soi, mais une adaptation très agréable.
Tim Schafer
Au printemps ou à l’été dernier, j’ai eu un certain nombre d’employés qui étaient très déçus parce qu’ils pensaient que ce serait plus différent [rires]. Pas parce que nous n’étions pas soutenus, mais parce qu’ils avaient l’impression que nous faisions partie de ce “grand Microsoft”. Le seul aspect vraiment différent de mon quotidien, c’est de ne pas avoir à être le type qui reçoit l’argent des éditeurs. Cela a également changé notre façon d’aborder le développement. Souvent, en tant qu’indépendant, la façon dont vous développez des jeux est dictée par le partenaire, parce que c’est son argent et qu’il a une façon de vouloir que vous réalisiez un jeu. C’est cool de mettre en pratique ces années d’expérience et de dire “hé, nous pouvons faire les jeux comme nous voulons les faire”.
Feargus Urquhart
Au travers de ces deux exemples, on sent bien que les studios sont ainsi plus serein et peuvent se focaliser sur la création de jeux. Un changement de modèle bienvenu à une époque où le bien-être des équipes est au cœur de l’actualité et des discussions. Les attentes de chaque studio sont diverses et variées. À titre d’exemple, pour InXile il s’agit d’augmenter ses effectifs pour réaliser leur vision créative. Pour Obsidian, c’est avant tout utiliser les autres services de Microsoft comme les laboratoires d’analyses des utilisateurs, les équipes techniques et, surtout, les autres studios. En effet, Feargus détaille à quel point l’aventure du studio indépendant est une expérience très solitaire par moment.
[…]Nous nous connaissons, mais nous sommes généralement tous tellement absorbés par ce que nous faisons. Mais maintenant que nous sommes ici, nous sommes tous ensemble sur (Microsoft) Teams, alors c’est très facile pour moi d’envoyer un message à Alan de Turn 10 et de lui dire “hey, comment on fait pour bla bla bla bla”, et soit on discute par message, soit on s’appelle.
Xbox Game Studios : une seconde vague en approche ?
Une nouvelle fois, la coopération est de mise au sein de l’écosystème Xbox. Après une grosse période d’acquisition de studios, le temps est donc à l’intégration de ces derniers pour Booty et Spencer. Pour autant, la partie ne serait pas terminée pour Xbox. En effet, d’après Phil, l’objectif initial était de s’assurer que les nouveaux studios s’accordent correctement à l’organisation du groupe. Sept nouvelles structures sur une aussi courte période, cela fait beaucoup d’effectifs à gérer ! Cependant, il précise bien être toujours à l’écoute de nouvelles opportunités.
[…]Nous avons le soutien de Satya Nadella, le PDG de Microsoft, et d’Amy Hood, la directrice financière. Et il n’y a eu aucun signal indiquant que nous devions ralentir, mais juste d’aller à un rythme qui soit viable pour nous en tant qu’équipe de direction. Nous sommes toujours en train de parler aux gens. Mais il faut que ce soit la bonne occasion.
Qui sait, peut-être aurons-nous des surprises durant le Xbox Game Showcase qui se tiendra dans un peu moins de deux semaines ? En tout cas, cette philosophie de groupe semble très saine et efficace sur le papier, espérons que cela se traduise de la même manière dans les jeux de ces studios.
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