Noter un portage HD d’un jeu sorti initialement il y a 15 ans est toujours un exercice difficile. Dois-je noter Devil May Cry en fonction de ce qu’il représente ? En fonction de la concurrence actuelle ? Noter la qualité du portage ? Dois-je m’adresser aux joueurs ne connaissant pas le titre ou à ceux qui désirent le retrouver ? Autant de questions qui rendent la note bien superficielle et la critique bien personnelle.
Devil May Cry, la légende.
Devil May Cry est probablement une licence méconnue chez les jeunes joueurs. Le dernier épisode canonique, le 4, remonte à 10 ans. A l’époque, on découvrait un Beat Them All qui, sans révolutionner la licence, passait avec brio l’épreuve du passage HD. Ça se passait sur Xbox 360 et depuis, plus rien. Ou presque. Car s’il y a bien eu une tentative de reboot en 2013, le public n’a pas suivi. Salué par la critique, le DMC développé par Ninja Theory a fait un flop. De ceux qui vous font ranger une série à succès dans les cartons pour un long moment.
Pourtant, avant l’ère HD, Devil May Cry était le roi. Une licence forte qui a marqué nombre de joueurs. Et pour cause ! Dès le premier épisode on découvrait Dante. Fils de l’union du démon Sparda et d’une humaine, le jeune homme transpirait la classe à des kilomètres. Avec ses cheveux blancs, sa tenue rouge sang, une répartie à toute épreuve et un talent hors norme pour déchirer ses ennemis : Dante avait du style comme nul autre. Et pour ne rien gâcher, l’action était folle. Bref, Devil May Cry était un incontournable.
Si je passe rapidement sur sa suite, plutôt décevante, je m’arrête volontiers sur sa troisième itération. On y incarne un Dante plus jeune, plus fougueux, plus arrogant. L’action y est encore plus intense, la PS2 sort ses tripes et Capcom accouche d’un chef d’œuvre du Beat Them All. 15 ans plus tard j’en garde encore des souvenirs incroyables et me rappelle que seul Bayonetta a réussi à me donner autant de plaisir. Culte, phénoménal, exceptionnel, … Dantesque. Néanmoins, au moment de m’y replonger, le doute m’envahi et je me demande si le temps n’a pas magnifié mes souvenirs.
Choqué … et déçu
Tout est calme. Dehors, la lune brille d’un éclat sans pareil et le bruit assourdissant du silence se fait entendre. La soirée est idéale pour retrouver le Fils de Sparda. Fébrile, je lance le jeu. L’écran titre, probablement réalisé par un stagiaire n’ayant pas le talent de notre El_perplexo, ne rassure guère. N’écoutant que mon courage, je décide tout de même de lancer Devil May Cry. Fébrile plus que jamais, je découvre alors une cinématique d’introduction en 4:3.
Le choc.
Déterminé à ne pas laisser mon excitation vaciller, je m’empresse de passer cette vision d’horreur. Malheureusement , je découvre bien vite que tous les menus, tous les écrans d’explications sont restés dans leur format d’origine. Une bande noire à gauche, une à droite… Devil May Cry est un jeu d’une autre époque.
Une fois Dante à notre disposition, le constat est (un peu) plus flatteur. 1080p, 60 fps, le jeu a clairement gagné en finesse. Cependant, n’attendez pas ici une refonte graphique : toutes les textures nous viennent directement du début des années 2000 ! Même constat pour la modélisation des personnages quelques peu angulaires et les textes à l’écran qui sont encore dans leur jus d’origine. Vraisemblablement, Capcom n’est pas allé faire un tour du côté de Halo où de Crash bandicoot pour définir ce qu’était un remaster. En l’état, je parlerai davantage d’un portage que d’un remaster. Simple et facile. Presque fainéant.
Côté contenu, le résultat n’est guère meilleur. Rien pour remercier le fan repassé à la caisse ou le nouveau venu prêt à découvrir un monument. N’espérez pas créer votre propre circuit comme dans The Master Chief Collection ou même sélectionner vos chapitres. Dans cette trilogie vous ne pourrez même pas passer d’un épisode à l’autre sans quitter le jeu. Une hérésie pour l’époque.
This is spardaaaaaaaaaa !
Pourtant, une fois que j’ai dit ça, une fois la déception passée, la magie opère. Devil May Cry arrive encore à nous happer dans son univers gothique où le style est roi. Certes les jeux ont vieilli, comme ils ont pu, et on se retrouve avec des productions dont les défauts sont exacerbés par le temps. Les caméras fixes de DMC, tout d’abord, ne sont pas des plus sexy tandis que celles, « libres », des épisodes suivants sont souvent mal placées. Ensuite, le gameplay montre bien quelques rigidités peu acceptables aujourd’hui et, pour finir, la narration est à cent mille lieux des standards actuels.
Pourtant DMC demeure encore aujourd’hui un excellent BTA. Le jeu impose ses codes. Des codes vieux de 15 ans et avec lesquels il faut composer si vous souhaitez en voir le bout. Son gameplay est exigeant et j’entends déjà ceux qu’un Cuphead a achevés dire que Devil May Cry est le Dark Souls du genre. Difficile ? Clairement un peu. Permissif ? Loin de là. Au final, l’adjectif qui qualifie le mieux le jeu est : précis. Le sens du timing est la clé de voûte de la licence, tant pour esquiver et survivre face à des ennemis qui consommeront bien vite votre jauge de vie que pour varier vos enchaînements et faire grimper votre note de style jusqu’au rang S.
Alors oui, vous ne sera pas pris par la main mais c’est pour mieux vous féliciter. Car une fois que Dante vous répond au doigt et à l’œil, vous ne serez plus jamais rassasié de dévorer vos ennemis. Et vous en redemanderez encore et encore ! C’est ça l’esprit de Sparda.
Conclusion
Je prends un pied fou ! Vous pourrez me taxer de pigeon, dire que c’est un scandale de se contenter d’un portage, cela n’y fera rien. J’ai aimé Devil May Cry lorsque j’avais 15 ans et je l’aime encore aujourd’hui. J’aurais apprécié davantage de contenu, un effort supplémentaire pour mieux intégrer les scènes en 4:3 mais le cœur du jeu reste intact. Mieux, avec un framerate constant à 60 images par seconde Dante gagne en fluidité et en vélocité. Un temps d’adaptation pour reprendre ses marques et faire sien les codes de l’époque est bien nécessaire mais une fois cela passé, Devil May Cry est d’une jouissance sans nom. Reste à savoir si vous saurez faire fi des quelques limitations de l’époque et des 40€ qu’il vous faudra débourser. Une certaine notion du sadisme en somme.