D’emblée, As Dusk Falls frappe fort avec une direction artistique digne d’un grand roman graphique interactif. Doté d’un background aussi crédible que terrible, donnant à observer au microscope une Amérique de paumés, l’aventure se suit sans faiblir pendant les douze heures requises pour la finir une première fois. Avec un épilogue diabolique à décrypter, ses moult embranchements et autres choix majeurs, la durée de vie s’en retrouve démultipliée pour découvrir tous les secrets et non-dits d’As Dusk Falls. Cette production de haute volée ringardise les autres du genre tant sur le fond que sur la forme. Avec son application conviviale pour jouer jusqu’à huit et sa VF intégrale de qualité, il est au final très difficile de lui reprocher quoi que ce soit. Ah si, on en veut plus !
Le désert comme unique horizon
Fin des années 90, à Two Rock, Arizona, c’est Germinal à l’américaine pour les Holt. C’est peu de dire qu’ils sont dans une galère perpétuelle. Misère économique à n’en point douter puisqu’ils sont sur le point de tout perdre. Mais aussi misère sociale et intellectuelle, sur fond de violence comme seule valeur éducative, d’alcoolisme et de dettes… Le tableau est sombre pour cette Amérique de la lose, cette Amérique perdue dans la poussière du désert. Ce dernier comme pour rappeler qu’il n’y a point de salut possible pour cette famille. Un désert affectif. Un désert d’opportunités. Bref, le désert partout, à perte de vue. Le propos est sombre, d’accord, et aussi ultra crédible avec cette direction artistique à couper le souffle de réalisme. L’expressivité des visages donne aux personnages l’incarnation nécessaire et suffisante pour nous emporter dans l’intrigue. L’impression de jouer/lire un roman graphique interactif est telle qu’il m’est arrivé de lâcher la manette pour suivre l’histoire… Avant de vite la rechoper et réussir un QTE.
Les frères Holt, c’est le minable poussé à son maximum. Vivotant de petits boulots ou de menus larcins, ils ne sont même pas fichus d’être dans le haut du panier des criminels locaux. Au point de rappeler par moment les Langmore dans la série Ozark, on sait pertinemment que ça va mal se passer pour eux. On trépigne d’impatience d’en découvrir plus, et ça ne rate pas. Après un énième plan foireux, à savoir cambrioler le domicile du sheriff, voici les Holt en cavale. Mais pas pour longtemps puisqu’ils se réfugient dans un motel et prennent en otages les occupants. Oui, ils enchaînent les idées brillantes.
Au Desert Dream Motel, oui encore et toujours le “désert”, va s’installer un huis clos qui verra les Holt se confronter à une autre famille. Cette dernière, de passage simplement dans la région, est autrement plus classique et peu marquante. En apparence seulement… avant de s’apercevoir que pour les membres de cette famille aussi le désert, métaphoriquement parlant dans leur cas, ne leur est pas étranger.
Aussi addictif qu’une bonne série TV
Dans les premiers instants, on incarne le père de famille, Vince, ce gars ordinaire tout en bonhommie et en rondeur. Il remplit parfaitement l’archétype du nounours dépassé par les évènements. Grâce à des flashbacks bien dosés au milieu du déroulé du scénario, tout ce beau monde, les Holt et leurs otages, vont gagner en épaisseur et susciter l’intérêt du lecteur/joueur. Qu’il est difficile de s’arrêter ! Le montage, un peu comme en épisodes de série TV ainsi que cet écran stylisé “As Dusk Falls” pour ponctuer et rythmer l’aventure, tout participe à dévorer sans modération cette tragédie à l’américaine.
Hormis Vince, l’autre personnage incarné est le plus jeune frère des Holt. Jay est complètement à la ramasse, tant victime que bourreau. Lui aussi on pense déjà tout savoir de lui avec sa dégaine de petit mec marginalisé au sein même de sa famille. Et souvent pitoyablement à contretemps dans cette fuite en avant immobile et ensablée au Desert Dream Motel. L’une des grandes forces d’As Dusk Fall est la science du flashback. En effet, ces derniers vont nous donner des éléments cruciaux sur les protagonistes, leur vécu et traumas, nous poussant immanquablement à ressentir de l’empathie envers eux. Imparable.
De plus, l’autre intérêt majeur d’As Dusk Falls est de nous mettre soit devant des choix impossibles, soit devant d’autres qui sont en apparence plus simples mais dont les conséquences peuvent prendre une ampleur inattendue. Pas à chaque fois néanmoins, ce qui rend les retournements de situations majeurs d’autant plus sidérants. Au point de me pousser à crier un “Mais non !?” devant mon écran. De là à faire de cette expérience bien plus qu’une aventure à la Tell Tales, tant le réalisme tient en haleine et nous implique émotionnellement.
L’Amérique des paumés
Structuré en deux “livres”, il faudra compter douze heures pour voir le bout d’As Dusk Falls. En tout cas pour le premier run. Car il y a tellement d’embranchements qu’à l’issue de cette première aventure, replonger et découvrir tous les secrets de Two Rock, Arizona est irrépressible. D’autant qu’après le huis clos pour commencer, la seconde partie de cette tragédie maintient toute l’attention et nous narre avec efficacité une cavale insensée. Tout en convoquant de nouveaux personnages tout aussi riches, le changement d’ambiance entre les deux parties se fait naturellement pour recentrer le propos sur comment essayer de gérer la perte de son identité, la perte de sens de son univers. Ce second chapitre du jeu se fait plus ouverte géographiquement mais reste tout de même un huis clos psychique, avec des “héros” engoncés dans leur traumas et essayant de s’en extraire… ou de s’y perdre. Une ambiance encore plus noire et pesante que jamais. L’ensemble reste assez crédible pour nous embarquer jusqu’à l’épilogue.
Ce dernier est d’ailleurs diabolique ! Je ne vais rien dire évidement mais pour ceux et celles qui ont regardé la première saison de Twin Peaks, c’est du même niveau de stupeur. Rappelez-vous, l’inspecteur Dale Cooper se fait tirer dessus dans sa chambre d’Hôtel et le tueur n’est filmé qu’en plan très serré sur son arme. Impossible de savoir qui est l’assassin, à moins de se refaire les épisodes précédents et guetter les indices plus ou moins cachés. Là j’en ressors avec la même impression, celle d’avoir raté tellement d’indices ! Il n’y avait même pas besoin de ça pour me repousser à refaire une partie !
Pour finir, As Dusk Falls dispose d’une VF intégrale de haute volée, avec pour seul bémol la voix du shériff qui parait surjoué ou à côté de la plaque. Enfin, l’application permettant de faire participer jusqu’à huit personnes fonctionne parfaitement et permet simplement de se connecter et jouer.
Critères d’accessibilité
Déficience Visuelle | Déficience Auditive | |
✘ Contraste élevé (réticule de visée) | ✔ Sous-titres avec indications d’ambiance | |
✔ Taille couleur de police | ✔ Identification de la personne qui parle | |
✘ Marquage des ennemis | ✘ Police personnalisable | |
✘ Interface personnalisable | ✘ Couleur de police personnalisable | |
✘ Couleur minicarte personnalisable | ✘ Options d’alerte alternatives (vibration, flash…) | |
✘ Option daltonisme | ✔ Sons ambiants signalés (informe sur présence) | |
✔ Option Text to speech | ||
✔ Ralentissement du jeu (Possibilité de rallonger les QTE) |
Conditions de test
Détails TV | 4K | Jeu fourni par l’éditeur | oui | |
Console | Xbox Series X | Temps passé sur le jeu | 12 heures | |
Niveau de difficulté | N.A. | Jeu terminé | oui mais il reste tant à découvrir ! |