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Addiction et Jeux vidéo : l’épineuse question

joueur

Novembre 2017 : le projet de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) d’intégrer le Jeu Vidéo à la liste de Classification Internationales des Maladies (CIM) devient officiel. Depuis, le débat s’est propagé un peu partout, chaque spécialiste ou néophyte y allant de son commentaire. Et l’OMS a tranché : Oui, les jeux vidéo apparaissent bien dans la liste des maladies, dans la catégories « addiction ». Editeurs et joueurs du monde entier n’ont évidemment pas tardé à protester en expliquant, à qui voulait l’entendre, que cette décision était ridicule. Néanmoins, à y regarder de plus près, cette décision apparaît tant fantasque que salutaire. Petit exercice de vulgarisation.

Marginal mais pas négligeable

Pour commencer, précisons le sujet et calmons les ardeurs. Non, ce ne sont pas les jeux vidéo en tant que tels qui sont incriminés. En effet, en furetant sur le Web, et notamment dans les documents mis à disposition par l’OMS, on remarque bien vite une mention importante. Ça peut ne paraître rien quand on est joueur, ou quand on travaille dans la presse spécialisée dans le buzz, mais préciser qu’il s’agit de Gaming Disorder plutôt que de Gaming pur et simple change considérablement la donne. Pourquoi ? Parce que cela revient à parler de comportements excessifs plutôt que de l’usage « normal » du jeu vidéo.

Grâce à cette précision, la question « Les jeux vidéo rendent-ils accro ? » n’a plus lieux d’être. Ce n’est d’ailleurs en aucun cas le sujet pour l’OMS. Ici, on s’intéresse plutôt à la question « l’addiction aux jeux vidéo existe-t-elle chez certains joueurs ? ». On ne parle plus d’un effet de masse, propre au média, mais plutôt d’un comportement qui éclot de manière marginale. On ne s’intéresse plus à vous, joueur lambda, mais à ceux qui sont en souffrance à cause d’une pratique excessive. Aux joueurs qui, malgré les conséquences prévisibles, ne peuvent s’empêcher de s’absenter de leur travail, de ne plus répondre à leur entourage. Ou pire, ne plus prendre soin de leur santé.

La population potentiellement concernée par ces troubles de l’addiction est d’ailleurs plutôt faible. On parle d’environ 1% des joueurs. Oui ! amis gamers, nous ne sommes en aucun cas l’objet des attentions. En fasse grand bien à ceux qui prennent l’habitude de se victimiser au lieu de proposer un argumentaire construit.  Pour les autres, poursuivons car, à dire vrai, j’ai jusqu’ici été quelque peu imprécis dans mon vocabulaire. Et sur un sujet si sensible, les mots doivent être soigneusement choisis.

Sujet sensible et traitement médiatique ne font pas bon ménage

Les choses sont donc clairement posées : en aucun cas l’OMS n’affirme par son action que les jeux vidéo rendent accro. L’objectif de l’OMS est bien, et il faut le saluer, de s’arrêter sur une population très spécifique, en souffrance physique ou morale. L’objectif ? Mieux les accompagner et trouver des solutions pour soigner ce comportement à risques. Très sincèrement, comment être contre ? L’intention est plus que bonne et le sujet d’importance. Alors, je vous le demande, pourquoi cette décision ne fait-elle pas l’unanimité ? Eh bien , pour 3 raisons majeures. Et je vous préviens, je risque de ne pas me faire que des amis.

La première raison est celle exposée plus haut. C’est celle d’une mauvaise compréhension et du manque de pédagogie dans la diffusion de l’information. C’est aussi celle d’une presse, d’influenceurs et de réseaux sociaux qui ne jurent que par la diffusion d’une information rapide et de réactions rapides. Attention, je ne dis pas que toutes les sources d’infos ont mal traité le sujet. Je dis simplement que le mouvement global a plutôt considéré le cas comme un bon moyen de faire des vues plutôt que de travailler le sujet. Enfin, c’est aussi la faute d’un public encore immature, trop prompt à se saisir de n’importe quel élément pour se victimiser et ne pas se poser les bonnes questions.

Addiction : le danger des jeux vidéos

France Info – Mars 2018 – Un titre sous forme d’affirmation.

Oui, le jeu vidéo est un média et un outil formidable pour la grande majorité. Non seulement loisir, il permet aussi d’effacer les différences lorsqu’on joue en ligne, de voyager, d’apprendre, de découvrir, mais aussi d’accompagner certaines thérapies, etc. (je ne saurai d’ailleurs que trop vous conseiller l’interview de Hugues Ouvrard à ce sujet). Pourtant, le jeu vidéo, comme tout divertissement, a ses travers et ses torts. La violence, la place de la femme, les sujets politiques, de société, sont autant de thèmes sur lesquels le média n’est pas encore mature. Il en va de même pour ses effets indésirables et de nuisance autour des joueurs au comportement et à la consommation excessive. Le nier ne les effacera pas et ne permettra jamais d’avancer.

Quand la science s’en mêle et s’emmêle.

Deuxieme raison à cette levée de bouclier : le vocable et les fondements du choix de l’OMS ! En effet, les études scientifiques réalisées jusqu’ici tendent à prouver qu’il n’y a pas de caractère d’addiction dans le JV. Mais, une nouvelle fois, soyons précis.

D’un point de vue scientifique, l’addiction provoque des modifications chimiques dans le corps, et notamment au niveau du cerveau. Dans le cas de drogue par exemple, le taux de dopamine (des neurotransmetteurs qui permettent de faire circuler « les infos » dans le cerveau) va exploser. + 400% de plus pour qui consomme de la morphine, +1100% (oui, mille cent) pour certaines méthamphétamines. C’est une activité cérébrale exceptionnelle et inhabituelle. Le second problème avec l’addiction et la toxicomanie c’est qu’elles créent un effet de manque difficilement sevrable. Une fois qu’on y a goûté, on a du mal à s’en passer. C’est alors que des comportements addictifs apparaissent : le corps est en recherche « incontrôlable » pour combler le manque. Et par un autre phénomène chimique, le manque est généralement accompagné de surdosage.

Et le jeu vidéo là dedans ? Rien de comparable. La dopamine augmente bien, aux alentours de +100%, mais il faut mettre ça en perspective. C’est autant que du sexe entre partenaires consentants, le double d’une pizza devant le foot et un peu plus que l’ouverture de vos cadeaux à Noël. Selon toute vraisemblance, le jeu vidéo n’est donc pas une addiction. Et c’est également l’avis de nombre de professionnel.

Un problème de consommateur avant tout.

Ainsi l’Académie Nationale de Médecine (Addiction aux jeux vidéo : des enfants à risque ou un risque pour tous les enfants) préfère-t-elle, depuis 2012, parler de pratique excessive. Yann Leroux, psychanalyste Français affirme lui également qu’il n’y a « pas d’addiction aux jeux vidéo ». Même son de cloche chez Keith Baker. Cet homme a créé en 2006 un centre de désintoxication aux addictions. Après plusieurs années passées à analyser le rapport aux Jeux Vidéo sur des centaines de jeunes joueurs dépendants, son verdict est sans appel : la dépendance aux jeux vidéo est le reflet de problème sociaux et aucun traitement classique à l’addiction n’a d’effet.

D’ailleurs, il est intéressant de noter que les comportements de dépendance se retrouve dans toute activité procurant du plaisir. Sport, sexe, littérature, activités artistiques, etc. Autant de pratiques qui seraient donc addictives ? Evidemment, non. Elles peuvent, de manière très marginale, engendrer de la dépendance et donc un comportement toxique mais puisque nous sommes des millions à les pratiquer sans soucis, on comprend bien vite que le problème vient du consommateur et non du produit.

Si un enfant passe plusieurs heures par jour à jouer aux échecs, est-ce une addiction ?

Les échecs sont un jeu ; cela peut être une passion ou une activité excessive. On ne peut parler d’addiction que s’il y a un retentissement négatif durable sur les autres activités de l’enfant.

M. Jean-Daniel SRAER, Membre de l’académie Nationale de Médecine

L’OMS sous dépendance ?

Alors pourquoi diable l’oms tient-elle à avoir un traitement différent pour le JV ?

C’est l’objet de notre troisième critique. Pas d’explication scientifique ? Pas de soutien de la communauté scientifique ? Des lettres ouvertes et signées pour souligner la fausse route empruntée ? Et l’OMS qui tient tête. Il n’en faut alors pas plus pour que le spectre de pressions politique et financières soit évoqué.

Si l’Organisation Mondiale s’en défend, ce n’est pas l’avis de Yann Leroux ou de Christopher Ferguson, psychologue américain.

Selon eux, des pressions exercées par la Chine et les Usa sont tout à fait envisageables. Pionniers historiques dans la création de centres de désintoxication aux allures de camps militaires, une caution signée de l’OMS permettrait de légitimer ces actions. Il n’est d’ailleurs pas anodin que ce débat survienne sous la présidence Trump et après que l’ONU a rappelé les problèmes de droit que la législation actuelle en Chine ou en Corée du Sud posaient. La loi « Cendrillon » qui vise à interdire la pratique des Jv entre minuit et 6h du matin pour les mineurs semble en effet poser question. C’est également le cas de récentes prises de positions de Tencent, un opérateur chinois qui bride l’accès aux JV à 1h par jour et avant 21h. Inutile de dire qu’avoir l’appui de l’OMS pour encadrer la consommation de JV serait un sérieux atout.

Un sujet et des accusations graves, même s’il manque des preuves tangibles pour l’heure. Dans tous les cas, il semble de bon aloi pour l’OMS de faire toute la lumière sur ces questions et d’afficher une transparence et une impartialité inattaquable !

La seringue à moitié pleine

Si cette histoire n’est pas claire et que les prises de position de l’OMS semblent bien étranges au regard des vérités scientifique, il n’en demeure pas moins que ce premier pas est positif. Pas parfait, loin de là, nous l’avons vu plus haut, mais simplement positif.

Tout d’abord parce que cela permet d’ouvrir le sujet. De sujet confidentiel, cette question est devenue publique. Les différentes parties prenantes s’en sont emparées et on pu échanger leurs arguments. Preuves et études sont désormais connue et l’opinion peut, si elle le souhaite, se constituer un avis. Même si l’OMS se garde pour l’instant d’entendre le conseil de la communauté scientifique, le sujet peut enfin avancer. Une vraie bonne nouvelle pour le média.

Ensuite, je pense que prendre en considération les possibles égarements du Jeu vidéo est aussi un bon signal. Certes, les conditions actuelles de mises en place semblent bancales mais cela prouve, plus que jamais, la place incontournable qu’a pris le média dans la culture moderne. En essayant de soigner et d’encadrer ses dérives possibles, l’OMS met peut-être en place aujourd’hui les premières briques d’un discours plus apaisé entre joueurs et détracteurs. Un pont sous forme de débat publique qui permettra peut-être de dépassionner à l’avenir les échanges.

#TousGamers

Enfin, et c’est le plus important, parce qu’il en va de la santé de milliers de personne. Il me semble que quelques débats houleux, passionnés, voire déraisonnés pour certains, sont un bien moindre mal à payer qu’une mise à l’écart. Le sujet principal, même s’il a été détourné par nombre de personnes, est bien de prendre soin de joueurs. Des joueurs comme vous et moi mais dont une aide extérieure est indispensable pour reprendre pied.

Bien évidemment, la copie fournie par l’Organisation Mondiale de la Santé est à revoir. Tant dans la forme que dans le fond. Bien sûr, rien n’est gagné et il faudra encore de longues années avant que le Jeu vidéo entre définitivement dans les mœurs comme un bien culturel « comme un autre ». Mais n’oublions pas d’où nous venons et le chemin qui a d’ores et déjà été parcouru depuis le début des années 80. Reste aux passionnés, aux amoureux, tant professionnels que amateurs, de montrer aussi tous les bénéfices que peut apporter le JV. Car s’il est facile de se défendre lorsqu’on nous attaque, il serait évidemment bien plus noble de devenir acteur d’un JV définitivement plus mature. Plus apaisé. Et de ne pas laisser sur le bas côté ceux qui ne peuvent profiter de ce média « normalement ».

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