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Cyberpunk 2077 : Une enquête accable CD Projekt Red, Adam Badowski se défend

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La soupe à la grimace continue chez CD Projekt RED. Jason Schreier, journaliste pour Bloomberg, révèle dans un article certains secrets de développement que le studio aurait préféré ne pas voir sortir.

Que ce soit au niveau des développeurs ou du management au sein du studio, le développement semble avoir été chaotique.

Beaucoup de crunch !

Parmi tous les témoignages qu’a reçu Jason Schreier, un thème commun est très souvent revenu : le crunch. C’est une période où un studio oblige ses employés à faire un grand nombre d’heures supplémentaires. Bien que ce ne soit pas le seul jeu à être associé à ce phénomène qui devient récurrent, le studio semble en avoir abusé. Plusieurs développeurs témoignent d’une pratique étrange leur permettant de ne pas faire d’heures supplémentaires… mais elles seraient alors imposées à un autre. De ce fait, certains employés ont reçu des pressions de certains collaborateurs ou supérieurs pour travailler des heures en plus. On leur avait pourtant promis qu’il n’y aurait pas de crunch.

“There were times when I would crunch up to 13 hours a day — a little bit over that was my record probably — and I would do five days a week working like that,”

Adrian Jakubiak, ancien employé de CD PROJEKT RED, dit être resté au boulot plus de 13h par jour, et cela cinq fois par semaine. Il a aussi révélé que la direction répondait aux doutes des développeurs sur la faisabilité du jeu : “On finira par trouver un moyen”.

Jason Schreier précise dans son dernier article pour Bloomberg certains exemples qui montrent de réels problèmes de management au sein de l’entreprise. Par exemple, Adam Badowski, membre important du studio devenu directeur, a eu des disputes avec des employés très bien placés au sujet de la manière de créer le jeu, ce qui a provoqué des licenciements de grands noms de CD Projekt Red.

“Fans and journalists were wowed by Cyberpunk 2077’s ambition and scale. What they didn’t know was that the demo was almost entirely fake”

Le journaliste évoque également ce que nous étions nombreux à penser. A l’instar d’un certain Anthem, la démo de l’E3 2018 avait donc pour but d’impressionner les joueurs (ce qui a bien marché) mais ne correspondait en aucun point à l’état du jeu à ce moment précis. CD Projekt RED n’avait en effet pas codé les systèmes de gameplay cachés derrière cette démo.

Cependant, Adam Badowski a, par la suite, répondu à certaines des déclarations de Jason Schreier. C’est notamment le cas concernant cette fameuse démo qu’il refuse de présenter comme “fake” malgré les propos de certains employés. Selon lui, il est normal que des fonctionnalités présentées initialement ne soient finalement pas dans la version finale. Cela fait partie du processus créatif et s’avère plutôt courant lors d’un développement.

Une course contre la montre 

Par ailleurs, toujours selon la vingtaine de développeurs interrogés, le jeu semblait impossible à rendre à l’heure. Certains pensaient ainsi que la date du 16 avril 2020 était une blague alors qu’ils estimaient que le développement se terminerait en 2022. Sur ce point, Adam Badowski s’oppose à nouveau aux propos rapportés.

Pour l’emblématique figure du studio, l’échantillon de personnes interviewées par Jason Schreier (environ 20 personnes) est insuffisant pour être représentatif. Avec environ 500 salariés impliqués dans le développement de Cyberpunk, sans compter les “extras”, les affirmations de Bloomberg se basent ainsi sur moins de 5% des actifs. C’est peu, trop peu pour Adam Badowski qui précise d’ailleurs que le studio a œuvré pour réduire les temps de développement.

Conscient du retard que prenait Cyberpunk 2077, CD Projekt Red a supprimé certaines fonctionnalités et réduit la taille de Night City. L’objectif était manifestement de soulager les équipes et leur permettre de terminer le développement dans les délais impartis. Mais, à en croire l’article de Bloomberg, cela n’était pas suffisamment, notamment à cause de la taille des équipes tout simplement pas assez volumineuse pour un jeu aussi ambitieux.

Des ambitions trop importantes ?

Il y a 10 ans, The Witcher 3 était créé par environ 240 personnes chez CD Projekt Red. Ces dernières années, Cyberpunk 2077 en a sollicitées plus 500 en interne. Une explosion de près de 100% des équipes mobilisées mais qui reste cependant bien en deçà de certains mastodontes de l’industrie. En comparaison, ce sont plus de mille employés qui créent un jeu comme GTA, un des standards de qualité que le studio souhaitait atteindre. Et cette expansion, difficile à gérer d’un point de vue organisation, n’aura de fait pas été suffisante pour livrer un jeu exempt de défauts techniques et bugs en tous genres. Globalement, c’est l’incapacité à admettre que Cyberpunk 2077 ne serait pas prêt dans les temps pour toutes les plateformes qui a coûté cher à l’équipe de direction.

À maintes reprises celle-ci a refusé d’annuler la sortie du jeu sur les consoles d’ancienne génération. “We made The Witcher 3, it will work out” (“On a fait The Witcher 3, on y arrivera”, ndlr) déclarait ainsi les patrons du studio quand on leur faisait remarquer que le travail restant à fournir était trop important. De même pour la date de lancement où l’équipe de direction a finalement accepté à la fin 2019 de repousser le jeu à septembre 2020.

S’ajoutent également aux problèmes précédemment cités, la propagation du COVID-19. Le télétravail est en effet devenu la norme pour les développeurs et cela n’a pas facilité leur travail. Certains d’entre eux, dépourvus de kits de développement PS4 et Xbox One, devaient alors faire tourner le jeu depuis leur PC domestique. Et de cette façon, il était difficile de savoir comment se comportait Cyberpunk 2077 sur ces consoles de salon.

Without access to the office’s console development kits, most developers would play builds of the game on their home computers, so it wasn’t clear to everyone how Cyberpunk might run on PS4 and Xbox One.

Pour terminer, des employés rapportent que, dans les derniers mois avant la sortie, tout le monde au sein de l’entreprise savait que le jeu nécessitait plus de temps pour être lancé correctement. L’ultime délai de trois semaines, annoncé fin octobre 2020, n’a donc logiquement pas suffi à régler tous les problèmes présents.

Combien de mois supplémentaires fallait-il pour optimiser le jeu ? La réponse ne sera connue qu’une fois les prochains patchs correctifs livrés, soit au plus tôt en Février 2021. Si Cyberpunk 2077 tourne alors parfaitement sur PS4 et Xbox One, il y a fort à parier que trois ou quatre mois auraient pu être suffisants. Cependant, à la lecture des témoignages recueillis par Bloomberg et Jason Schreier, il apparaît que CD Projekt Red a eu les yeux plus gros que le ventre. Ambitieux dès le départ, et en s’imposant des délais intenables pour bien faire les choses, le studio n’a sans doute pas pris la mesure du projet titanesque dans lequel il s’engageait. A l’image de Rockstar, modèle pris par le studio polonais, la direction devra sans doute offrir des temps de production plus longs et mieux estimés pour livrer des jeux capables de bouleverser le média tant sur le fond que sur la forme. Et tout comme Rockstar lors de la sortie de Red Dead Redemption II, CD Projekt Red a désormais devant lui un vaste chantier humain à mener et devra se poser des questions sur son fonctionnement s’il ne veut pas épuiser ses développeurs et les faire fuir.

Ces prochains mois, CD Projekt Red devra mettre les bouchées doubles pour réussir à corriger le jeu, en espérant que ce ne soient pas encore les développeurs qui en paient le prix.

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