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Edito : Les joueurs doivent agir pour mettre fin aux pratiques toxiques des studios et éditeurs

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Depuis plusieurs années, les scandales s’enchainent dans l’industrie vidéoludique. Du crunch au harcèlement moral et sexuel, de la discrimination ethnique à celle de genre, de CD Projekt Red à Activision Blizzard, le management toxique de certains studios commence à faire parler. Et si nous sommes unanimement convaincus que ces agissements ne peuvent perdurer, il est difficile pour les joueurs de savoir comment (ré)agir. Pourtant, c’est sans doute de nous qu’une partie de la solution peut venir.

Le boycott : une solution limitée

C’est sans doute la première action qui nous vient à l’esprit. Si une société n’est pas en phase avec nos valeurs, pourquoi ne pas boycotter ses produits ? Après tout, c’est bien le “pouvoir” que nous avons en tant que consommateur. Et décider de donner notre argent à un studio vertueux plutôt que vicieux peut, à grande échelle, rapidement donner des résultats probants. Mais cette approche connaît deux limites majeures dans l’industrie du jeu vidéo.

La première consiste dans le nombre de joueurs qui peuvent adopter cette posture. Des sociétés comme Ubisoft ou Activision Blizzard touchent des dizaines de millions de joueurs, dont la grande majorité proviennent du grand public. Un public qui n’est pas familier avec l’industrie et son actualité et qui est donc loin d’avoir vent de ses affaires de mœurs ou de crunch.

 

Certes, certains médias généralistes comme Le Parisien, Le Monde ou Libération en parlent. Mais cela reste ponctuel, et très déconnecté des sorties de jeux. Si le harcèlement sexuel chez Ubisoft avait fait la Une de Libé en juillet 2020, combien de lecteurs se sont souvenus de l’enquête du journal en novembre, lors de la sortie d’Assassin’s Creed Valhalla ?

Au global, les joueurs avertis, qui souhaitent prendre position et faire évoluer l’industrie demeurent une faction minoritaire du public de ces éditeurs. Extrêmement minoritaire même. Le boycott n’aurait donc aucun impact ?

Des effets collatéraux néfastes

Ce n’est sans doute pas tout à fait exact. Si les joueurs concernés se mobilisent et refusent d’acheter des jeux provenant des éditeurs concernés par ces scandales, l’impact sera forcément notable.

Même si nous ne sommes que quelques dizaines ou centaines de milliers à boycotter Blizzard, cela pourrait rapidement faire effet boule de neige. Car les joueurs avertis sont aussi les premiers ambassadeurs des jeux qu’ils affectionnent.

Si vous êtes joueurs de World of Warcraft ou d’Assassin’s Creed, vous avez déjà sans doute conseillé ces titres à vos proches et amis. Peut-être même faites-vous partie d’une guilde, d’un groupe Facebook ou d’un site web consacré aux jeux vidéo et en parlez largement. Et ce discours que vous portez contribue à faire grandir le nombre de joueurs, d’acheteurs de ces productions. Qui que vous soyez, votre voix compte et est susceptible d’influencer un ou plusieurs achats.

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Si nous boycottons ces licences, l’effet bouche-à-oreille sera donc amoindri. Pas de quoi transformer un Far Cry 6 en four commercial, mais cela pourrait l’empêcher d’atteindre ses objectifs de vente. Alors que Far Cry 5 avait atteint les 310 millions de dollars de recette la semaine de son lancement, ce nouvel opus pourrait, si les joueurs se mobilisent, rester sous ce cap. De quoi envoyer un signal aux dirigeants d’Ubisoft ? Possible, mais pas certain. D’autant que des effets indésirables pourraient bien se faire sentir.

Comme bon nombre d’entreprises, les studios et éditeurs intéressent leurs salariés aux résultats. Il n’est ainsi pas rare pour les développeurs que des primes et bonus soient attribués en fonction des ventes réalisées. Et boycotter un jeu risque justement de réduire voir de supprimer ces compléments de rémunération.

De fait, non seulement nous pouvons y voir une forme de “double peine”, mais surtout cela ne crée pas des conditions propices à libérer la parole des développeurs. Des salariés peuvent-ils parler librement si leurs rémunérations et celles de leurs collègues peuvent être impactées ? Alors même que dénoncer du harcèlement représente déjà un risque pour leur carrière. Clairement, le boycott n’est pas la solution si évidente qu’elle peut sembler être.

L’exigence de la transparence

Alors que faire ? Ne rien changer et simplement laisser la justice officier ? Cela n’est clairement pas suffisant ni acceptable. Et si le boycott n’est pas une solution viable, il y a d’autres manières de se faire entendre.

À une époque où les médias et influenceurs sont omniprésents, ils ont désormais un rôle primordial dans cette lutte contre ces pratiques infâmes. Peu le jouent, peu s’en servent et il nous revient donc de nous montrer plus exigeant.

Exiger de la presse et des influenceurs de parler de ces sujets avec soin et précision n’est plus une option. Exiger de la presse et des influenceurs de ne pas oublier leurs valeurs humaines quand cela les arrange est nécessaire. Exiger de la presse et des influenceurs de donner du contexte lorsque sortent des jeux développés via du crunch ou dans des conditions déplorables est indispensable.

Nous avons tous ce pouvoir de partager, relayer et mettre en valeur les rédactions et créateurs de contenus qui s’engagent. De diffuser plus largement et plus massivement celles et ceux qui se font l’écho de ces scandales. Ceux qui vont plus loin que les simples communiqués de presse où les vérités sont parfois tordues dans le sens qui arrange les RP.

En mettant en lumière ces problématiques, en relayant ceux qui accordent de la place dans leur ligne édito à ces événements, nous donnons du poids à ces sujets. Des sujets que ne pourront plus ignorer les grands médias (en France ou ailleurs) qu’ils porteront alors auprès des studios, qu’ils évoqueront lors de leurs tests, qu’ils mentionneront lors d’interview. Jusqu’à devenir un vrai sujet d’engagement pour les présidents et manager de studio !

Mettre fin aux pratiques toxiques est l’affaire de chacun

D’ailleurs, des précédents existent. Combien de voix se sont élevés contre les loot-boxes à outrances jusqu’à en faire un véritable sujet juridique dans certains pays ? Combien d’abonnés au Xbox Live Gold se sont fait entendre lors de l’augmentation du prix de l’abonnement pour finalement faire plier Microsoft ? Et il y a également l’exemple Rockstar Games, dont les pratiques ont largement été pointés du doigt et qui semble, depuis, mettre de l’ordre dans son management. Et d’autres exemples existent encore.

Tout cela est le fruit de la mobilisation des joueurs sur les réseaux mais aussi de la presse. Trop de médias ou influenceurs ne font aujourd’hui qu’effleurer ces thématiques pourtant importantes. Et lorsqu’ils le font, il n’est pas rare d’y déceler de nombreux errements ou éléments passés sous silence. Quid de l’affaire Quantic Dream dont le studio s’est gargarisé d’un communiqué inexact pourtant repris et cité par certains des médias jeu vidéo les plus importants de France ?

Cela n’est plus supportable. À l’heure où ces scandales se multiplient, il est primordial que nous nous soyons plus exigeants. Nous avons tous à faire et nous pouvons tous œuvrer pour améliorer les conditions de travail des créateurs de jeux vidéo. Nous devons être concernés et en ce sens souhaiter une information plus engagée.

Nous avons tous ce pouvoir. Nous pouvons tous faire bouger les lignes. Ce n’est pas une solution miracle et les choses ne changeront pas en un coup de baguette magique. Mais plus que jamais il est temps de faire évoluer ce média vers des pratiques plus vertueuses. De faire en sorte que les studios respectent leurs engagements et qu’ils ne soient plus de simples arguments de communication. Et pour cela, il nous revient de ne plus être complaisants avec celles et ceux qui ferment les yeux plutôt que de se faire écho de voix qui ont besoin de soutien de poids.

Nos précédents éditos : 

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